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PAYCHECK (2003)
John Woo

Par Martin Coulombe

Les oeuvres de Philip K. Dick regagnent en popularité ces temps-ci dans le monde du septième art. Tout d'abord, avec Blade Runner réalisé par Ridley Scott, puis plus récemment avec Minority Report que nous a livré l'an dernier Steven Spielberg. Voilà que c'est au tour de John Woo de transporter au grand écran une autre nouvelle de Dick avec Paycheck. Inutile de dire qu'il est assez difficile de débuter cette critique sans mentionner que le nouveau thriller d'Hollywood réunit deux personnes ayant eu quelques mauvais moments ces dernières années, soit le réalisateur John Woo et l'acteur Ben Affleck. Que peut-il bien sortir de cette collaboration? C'est ce que vous verrez... si vous désirez voir Paycheck.

Ben Affleck incarne Michael Jennings, ingénieur mondialement reconnu qui travaille pour diverses compagnies en échange d'un bon gros chèque de paye. Une fois le travail terminé, on lui efface la mémoire pour qu'il ne divulgue rien des secrets de la compagnie pour laquelle il a travaillé. Lorsque Jennings reçoit un contrat pour développer une machine pour la compagnie de son ami pendant trois ans en échange d'un chèque de 92 millions de dollars, il accepte sans hésiter. Mais, lorsqu'après s'être fait effacer la mémoire il se rend compte qu'une simple enveloppe contenant quelques petits objets apparamment inutiles l'attend au lieu de la paye promise à laquelle il aurait lui-même renoncé, Jennings tentera de découvrir ce qu'il a fait des trois dernières années de sa vie à l'aide des indices laissés dans cette enveloppe qu'il s'est lui-même envoyé avant de tout oublier. À première vue, le tout semble intéressant et très excitant, non? Mais que dire, sinon que cette idée ingénieuse de Philip K. Dick est mélangée de façon fort décevante à la traditionnelle sauce hollywoodienne où tout est là pour exploser et non pas pour nous faire réfléchir. L'ingénieuse histoire se transforme sous les mains de Woo en une véritable poudrière où tout est propice à une scène d'action (qui peut tourner facilement au ridicule). Le jeu des indices de Jennings est sans doute un point crucial du film qui aurait mérité une révision, car cet aspect semble être mis quelques fois en arrière-plan face à l'action. De plus, il aurait été plus intéressant pour le spectateur si le film avait aussi offert plus de retours en arrière sur les trois années manquantes de la vie de Jennings à l'aide de quelques flashbacks concernant le développement de l'invention. Le scénario souffre parfois de trous et semble se diriger dans plusieurs directions sans jamais totalement les exploiter. Les deux heures de Paycheck frôlent donc parfois le bon divertissement, et trop souvent le ridicule.

La distribution, quoique composée de noms impressionnants, n'aide pas. Ben Affleck est une fois de plus égal à lui-même: une performance très ordinaire où chaque interprétation dramatique semble peu crédible. Un autre acteur aurait été capable de faire beaucoup mieux. Affleck a uniquement une belle parrure au générique et à l'écran pour promouvoir un film. Que dire de la scène où Affleck s'entraîne dans un gymnase en camisole, sinon qu'elle ne sert qu'à exposer ses muscles et à servir plus tard de prétexte à une autre scène d'action au ralenti de Woo? Uma Thurman, quant à elle, n'offre guère une prestation qui vous marquera. Rien de comparable à son interprétation de The Bride dans Kill Bill.

Du côté de la réalisation, John Woo livre ici l'un de ses pires films. Alors que la nouvelle de Philip K. Dick est truffée de mystères et de bonnes idées, Woo l'injecte dans le moule du film d'action en y ajoutant son ingrédient spécial, soit les ralentis qui lui sont maintenant reconnus. Résultat: quelques scènes d'actions étranges, dont une poursuite en moto qui se termine de façon fort humoristique. Affleck s'enfuit dans un tuyau de un mètre de haut et de large avec sa moto et son poursuivant au volant d'une belle grosse voiture croit pouvoir passer lui aussi dans le même tuyau. Malheureusement, sa voiture s'écrase à l'entrée et explose immédiatemment. Ridicule, mais rires assurés. Le cinéma américain ne va pas du tout à John Woo, monde dans lequel il semble être confortable en y amenant que de l'action en quantité exagérée. Normal, puisque c'est sans doute ce qu'on exige de lui. Cependant, il faut plus que quelques barrils d'explosifs pour faire un bon film.

Paycheck est une autre preuve qu'une bonne idée vire trop souvent au vinaigre lorsqu'elle passe à travers le moule d'Hollywood. Pourtant, on ne peut blâmer seulement la ville du cinéma, Ridley Scott et Steven Spielberg ayant réussi à adapter deux nouvelles de Philip K. Dick de façon fort intéressante sur le grand écran. Paycheck aurait pu et aurait dû faire mieux, mais pour cela, le film aurait besoin d'une autre distribution et surtout, d'un autre réalisateur. Malheureusement, le produit final s'avère être un récit intelligent raconté de la mauvaise façon. Quel gâchis!




Version française : La Paye
Scénario : Dean Georgaris, Philip K. Dick (nouvelle)
Distribution : Ben Affleck, Aaron Eckhart, Paul Giamatti, Uma Thurman
Durée : 110 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 10 Janvier 2004