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THE OMEN (2006)
John Moore

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Le retour de la religion au sein de nos préoccupations s'explique par tant de facteurs différents qu'il serait impossible de les énumérer en guise d'introduction à cette critique sans dépasser les limites de votre patience. Malgré tout, il demeure intéressant de souligner qu'un remake du classique de l'horreur The Omen voit le jour le 6 juin 2006, en plein coeur d'un été que certains annonçaient déjà dominé par le médiocre thriller biblique Da Vinci Code. Faut-il vraiment répéter la prémisse du film? Tout le monde sait aujourd'hui que l'original, signé Richard Donner, plaçait l'Antéchrist entre les mains de l'ambassadeur des États-Unis en Angleterre. Rien ne change pour cette nouvelle version réalisée par John Moore, à l'exception des événements d'actualité que l'on a reliés aux écrits religieux annonçant l'arrivée du fils de Satan sur Terre. Comme quoi la parole de Dieu s'adapte à toutes les situations...

Le film qu'il relit ayant bien vieilli, l'exercice était condamné à être inutile. Nous n'avions pas besoin d'une nouvelle version de The Omen, mais nous pouvions espérer qu'il s'agirait d'un produit assemblé selon certaines normes de qualité. Ce n'est un secret pour personne que le cinéma d'horreur se porte terriblement mal par les temps qui courent. Les slashers pour adolescents sont plus futiles et abrutis que jamais. Les produits asiatiques, d'abord perçus comme un vent de renouveau dans un monde à court de clichés viables, nous semblent finalement montés à la chaîne. L'ironie a eu raison de l'horreur. Nous sommes une génération de sceptiques et d'athées : nous n'avons plus peur du diable et de l'au-delà, car nous n'y croyons pas.

Dans ce climat, ce bon vieux The Omen ne peut compter que sur l'élégance de son traitement et sur le renouveau de la foi chez nos voisins du sud pour faire un tabac. Heureusement, John Moore a compris le principal attrait du film original qu'il copie assez fidèlement : son rythme posé et le dévoilement progressif de son intrigue en font un anachronisme technique à l'époque du montage éclair et des scénarios aux mille pivots précipités. Malgré quelques concessions à la modernité, dont cette insertion somme toute modérée de plans à l'épaule de type documentaire, John Moore nous propose un retour en arrière bénéfique à de meilleurs jours pour l'horreur. Son Omen est rétro à souhait à une époque où l'on semble avoir oublié comment faire un film d'horreur.

Bien entendu, cette nouvelle mouture n'égale pas la version de 1976. Malgré la performance honnête qu'il livre, Liev Schreiber n'a aucunement le charisme d'un Gregory Peck. Toutefois, la distribution nous réserve quelques belles surprises. En nounou inquiétante à souhait, Mia Farrow exploite ses traits de vieille sorcière avec brio et retenu. Contrairement à sa contrepartie d'il y a trente ans, elle semble à la limite digne de confiance et réserve son air démoniaque et glacial pour les scènes où la chose est appropriée. À elle seule, Farrow impose un frisson ou deux. En général, l'interprétation est dans le ton voulu.

Techniquement, le film se démarque par sa finition intéressante. Les éclairages sales débordent de part et d'autre, mais confèrent un climat malsain à l'ensemble. Certaines scènes impressionnent par leur flair visuel et quelques effets spéciaux sanglants, dont la célèbre décapitation réinventée pour les besoins de la cause, sauront satisfaire les amateurs de ce genre de trucages. The Omen mérite le respect parce qu'il n'a pas les allures d'un travail vite fait sans respect et sans attention. Sa présentation générale est loin d'être déplaisante et évite la plupart du temps le tape-à-l'oeil. L'influence abusive du vidéoclip sur l'esthétique du film est, chose rare, tenue au strict minimum. Le langage cinématographique classique triomphe ce qui, dans le genre du moins, est devenu une vertu peu courante.

Il ne faut rien exagérer. The Omen est un produit bien fait, mais foncièrement inutile dont la morale inhérente est au mieux contradictoire. À une vision apocalyptique de la société moderne, le film de John Moore oppose une série de valeurs conservatrices au possible. Ainsi, son héros devra renouer avec la foi chrétienne s'il espère vaincre le mal. Dans une société où la religion justifie bien des horreurs, cette idée semble franchement déplacée. Cependant, en matière de cinématographie, le message est des plus appropriés. Le salut du cinéma d'horreur passera par l'acceptation de l'irréel. Par sa naïveté d'une autre époque, The Omen est une anomalie sympathique.

En terme de divertissement pur, le prétendu blockbuster biblique de l'été vient de se faire damner le pion par le remake d'un vieux film d'horreur poussiéreux. Savourez l'ironie, tout en vous souvenant que l'original demeure supérieur à cet honnête exercice de recyclage filmique.




Version française : La Malédiction
Scénario : David Seltzer
Distribution : Liev Schreiber, Julia Stiles, Mia Farrow, Seamus Davey-Fitzpatrick
Durée : 110 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 15 Juin 2006