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NI POUR, NI CONTRE (BIEN AU CONTRAIRE) (2003)
Cédric Klapisch

Par Jean-François Vandeuren

Entre deux chapitres des aventures de Xavier et ses comparses au coeur de l’Union Européenne, Cédric Klapisch porta à l’écran ce thriller particulièrement représentatif des goûts actuels de la France en la matière. Au même titre que Jacques Audiard pour son exceptionnel Sur mes lèvres, Klapisch s’intéressa au tempérament dormant d’un personnage limité par sa vie d’honnête citoyen. Le cinéaste français relate dans ce cas-ci l’histoire de Caty, une jeune caméraman blasée dont les compétences seront un jour mises à profit par une bande de malfrats lors de l’exécution d’un vol. Un événement pour le moins inattendu qui lui fera aussitôt prendre goût à la vie de criminelle. Même s’il s’agit d’un changement de cap plutôt surprenant dans la carrière de Klapisch, Ni pour, ni contre (bien au contraire) porte néanmoins sa signature visuelle des plus dynamiques d’un bout à l’autre. Un point qui lui permet d’incorporer avec tact au mélange l’humour typique de ses comédies sociales, en plus de quelques artifices tributaires de la nouvelle génération de films d’action que le cinéma français produit depuis quelques années avec plus ou moins de succès.

Dès le départ, les élans de Cédric Klapisch et des scénaristes Alexis Galmot et Santiago Amigorena nous rappellent le premier film de David Mamet, House of Games. En ce sens, l’héroïne de Ni pour, ni contre (bien au contraire) suit sensiblement le même cheminement que celle du film de Mamet, s’adaptant à un milieu qui lui permettra en fin de compte de révéler une nouvelle facette de sa personnalité. Évidemment, les deux efforts ne se dirigent aucunement vers le même genre de dénouement. Les jeux sournois de manipulation aux retombés psychologiques importantes de House of Games laissent ici la place à un récit beaucoup plus direct. D’un autre côté, la réalisation de Klapisch s’avère beaucoup plus stylisée et vivante que celle du cinéaste américain, laquelle se voulait plutôt académique et anonyme. Klapisch cafouille cependant en utilisant à nouveau une narration en voix hors champ. Même si elle devint un élément récurrent de son cinéma, elle aurait tout de même dû être laissée de côté cette fois-ci. Il est vrai que l’initiative vient appuyer une séquence d’introduction fort bien orchestrée, mais elle devient par contre carrément futile par la suite.

Klapisch substitue également la transformation nuancée du personnage interprété par Lindsay Crouse dans House of Games pour se pencher sur une forme d’obsession dont les traits se rapprochent davantage de la toxicomanie. La dépendance à l’adrénaline des vols du personnage de Caty, superbement campée ici par l’adorable Marie Gillain, la poussera d’ailleurs à mettre de côté plusieurs de ses principes. Ni pour, ni contre (bien au contraire) se démarque également par la façon dont il dresse le portrait de cet univers de gangsters d’occasion. Nous n’avons pas affaire ici à des as de l’arnaque, mais plutôt à des braqueurs organisés qui connaissent leurs limites. Ils ne volent réellement que pour pouvoir goûter de temps à autre à une vie de luxe qu’ils ne pourraient s’offrir autrement. C’est d’ailleurs à ce moment qu’entre le plus en ligne de compte le ton humoristique toujours aussi efficace du réalisateur français.

Évidemment, le scénario se dirige tranquillement par la suite vers le traditionnel dernier gros coup devant sceller le destin des protagonistes d’une impressionnante réussite ou d’un lamentable échec. La progression vers cette finale beaucoup plus sombre est par contre le fruit d’une lente transition durant laquelle tous les pions furent soigneusement positionnés par Klapisch. Même si ce dernier force un peu la dose à quelques reprises, ce changement de ton suit une évolution similaire au tour de force que nous avaient proposé Edgar Wright et Simon Pegg avec leur impressionnant Shaun of the Dead. Cette mise en situation permet du coup au cinéaste français et ses acolytes d’apporter une dimension plus approfondie à leurs principaux personnages, laquelle leur sera d’ailleurs indispensable pour rendre effectives les réactions qu’ils désirent susciter au final chez les spectateurs.

Sans grande surprise, le film de Cédric Klapisch se termine sur une note plutôt ambiguë, laquelle est tout de même moins prononcée que dans House of Games. Contrairement à David Mamet, Klapisch s’en tire indemne grâce à un dernier plan statique misant entièrement sur le jeu phénoménal de Marie Gillain pour évacuer toute portée moralisatrice et nous laisser comme seuls juges du spectacle qui vient de défiler sous nos yeux. Malgré quelques excès qui auraient pu facilement être évités, Ni pour, ni contre (bien au contraire) forme un thriller satisfaisant réalisé par un Cédric Klapisch qui ne prit visiblement pas sa tâche à la légère. Il en ressort un film aux idées pertinentes qui ne vont évidemment pas aussi loin que les diverses remises en question sociales mises en évidence dans Sur mes lèvres, mais le réalisateur nous fait grâce malgré tout d’une mise en scène efficace élaborée à partir d’une base d’influences des plus solides, mais qu’il parvient rarement à surpasser.




Version française : -
Scénario : Santiago Amigorena, Alexis Galmot, Cédric Klapisch
Distribution : Marie Gillain, Vincent Elbaz, Simon Abkarian, Dimitri Storoge
Durée : 111 minutes
Origine : France

Publiée le : 21 Septembre 2006