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MIND GAME (2004)
Masaaki Yuasa

Par Jean-François Vandeuren

Bien qu’il s’agisse ici d’un film d’animation d’origine japonaise, le premier opus de Masaaki Yuasa n’a rien d’un manga. Mind Game n’a d’ailleurs pas grand chose à voir avec les films du genre parus dans le passé et ce, autant en occident qu’en orient. Nous reconnaitrons certes à l’occasion des élans purement psychédéliques prenant pour inspiration le remarquable Yellow Submarine de George Dunning, esquissant un style qui ne tente en aucun cas de se rapprocher de la réalité, mais plutôt de faire ressortir les possibilités infinies d’un genre qui semble parfois un peu trop saturé et fragmenté en un nombre assez restreint de sous-catégories, en marge desquelles nous arrivent tout de même à l’occasion des œuvres renversantes telle les fameuses Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet. L’effort de Masaaki Yuasa se situe dans la même veine expérimentale que celle de l’opus de Chomet, substituant la retenue muette envoutante de ce dernier par une frénésie visuelle enlevante, proposant une série de variations excentriques autant au niveau artistique que des thématiques.

Le début de Mind Game s’avère par contre assez déboussolant, ne nous donnant pas trop d’indications durant la première moitié du film quant aux directions que le cinéaste désire emprunter, partant des retrouvailles de Nishi et Myon, deux jeunes adultes dont l’histoire d’amour ne s’était jamais réellement amorcée. Cette rencontre et une suite d’évènements hasardeux mèneront cependant à la mort du jeune homme, assassiné par un joueur de football mafieux colérique. À son arrivée au paradis, Nishi rencontrera Dieu en ses multiples incarnations, se rendant vite compte qu’il a plus souvent qu’autrement gaspillé le temps qui lui était alloué. Désireux de ne pas voir son existence se terminer de la sorte, Nishi réussit à échapper au néant et retourne en arrière pour éviter son destin tragique et ensuite pouvoir corriger le tir par rapport à sa vie. Après une poursuite fulgurante entre Nishi, Myon, la sœur de cette dernière, Yan, et la mafia japonaise, la voiture du trio tombera malgré eux dans la gueule d’une baleine géante où ils y rencontreront un vieil hurluberlu y vivant reclus depuis plus de trente ans et où il assembla une demeure recyclée où tout semble possible, ou presque.

C’est à partir de ce moment que le récit de Mind Game finit par se stabiliser sans pour autant perdre de sa fougue. Revenant sur ses débuts afin de remettre en question la nouvelle attitude de Nishi, croyant atteindre le bonheur en vivant constamment à cent miles à l’heure et en se moquant des lois avec excès dans le but d’épater la galerie en se foutant éperdument des conséquences. Ce qu’avance à l’opposée l’effort de Masaaki Yuasa par la suite de manière très démonstrative est que l’important est de savoir comment vivre à sa mesure tout en sachant saisir les opportunités qui sont à notre porté. Une leçon servant judicieusement le contexte de réclusion du film qui, pour sa part, soulève justement l’absurdité d’une telle attitude, avançant qu’il est possible de ne pas concevoir constamment la réalité comme un fardeau et dans laquelle nos prouesses sauront peut-être s’épanouir à une échelle plus grande que notre simple existence.

Esthétiquement, le film de Masaaki Yuasa ne tient pas en place une seule seconde. S’exprimant presque entièrement de manière visuelle, ce dernier donne lieu à un spectacle hallucinant qui cherche visiblement à exploiter le potentiel créatif de son œuvre au maximum, proposant ainsi une animation très versatile qui ne suit aucun concept préétabli. Mais Mind Game se démarque aussi au niveau du montage qui est ici fort exceptionnel, particulièrement pour un film d’animation. Yuasa entrecoupe par exemple certains passages en utilisant la technique de la rotoscopie ou en changeant carrément de style visuel. Cela permet de créer du même coup de nombreuses ruptures au niveau du rythme et ce, même à l’intérieur d’une seule scène. C’est d’ailleurs ce montage endiablé qui sauve à certains égards cette aventure trépidante d’une finale qui, autrement, aurait pu s’avérer assez décevante, se jouant fort heureusement de manière très ingénieuse d’une conclusion qui marque en fait le commencement, sans qu’il ne s’agisse d’une histoire de chronologie à l’intérieur même du récit.

Le Studio 4°C, qui nous offrit au fil des dernières années les meilleurs segments des Animatrix ainsi que les longs-métrages Metropolis et Steamboy, nous convit ici à une production incroyablement délirante qui surprend à chaque instant par la richesse et l’originalité avec lesquelles sont livrés ses moindres concepts. Masaaki Yuasa signe en définitive une œuvre pour ainsi dire unique dont on ressort complètement abasourdi, pour ne pas dire transformé. Après nous avoir fait virevolter dans tous les recoins possibles d’une suite de scènes extravagantes pendant près de deux heures, c’est sur une finale par contre un peu confuse, mais qui ajoute énormément au ton épisodique de l’essai, que se conclue cette célébration jouissive de la vie et de tout ce qui touche à la créativité, dont la morale qui ne se vautre jamais vraiment dans la subtilité fut néanmoins élaborée de façon particulièrement spectaculaire, faisant de Mind Game une expérience cinématographique tout simplement inoubliable.




Version française : -
Scénario : Robin Nishi, Masaaki Yuasa
Distribution : Koji Imada, Sayaka Maeda, Takashi Fujii, Seiko Takuma
Durée : 104 minutes
Origine : Japon

Publiée le : 25 Juillet 2005