METAL : A HEADBANGER'S JOURNEY (2005)
Sam Dunn
Scot McFadyen
Jessica Joy Wise

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Certains disent que c'est la musique du diable, d'autres qu'il s'agit d'une forme de musique débile concoctée par des dépravés et consommée par des attardés. En Amérique, il est le bouc émissaire impuissant d'une foule de tragédies sanglantes. Dans les années 80, des parents inquiets l'ont sacré nouveau fléau social numéro un. Il faut dire qu'en Norvège, des musiciens membres de réels mouvements sataniques ont brûlé des églises afin de s'attaquer directement au christianisme. Le métal n'est pas qu'un simple genre musical. C'est une véritable sous-culture dont les us et coutumes ont évoluées mais dont l'esprit est demeuré le même depuis la première note de la pièce éponyme du groupe Black Sabbath jusqu'aux violents grincements des groupes Death et Black Metal extrêmes d'aujourd'hui.

Avec Metal : A Headbanger's Journey, le "métalleux" canadien Sam Dunn présente un périple qui l'a mené d'un bout à l'autre du monde à la recherche de l'essence du métal. Son enquête le mènera des banlieues pauvres d'Angleterre au fameux Wacken Open Air d'Allemagne, le plus grand festival consacré par des mortels au genre. Un petit détour par la Norvège, Mecque actuelle du métal, lui permet de compléter son portrait très intéressant, passionnément fanatique et vaguement objectif, d'une scène complexe et légèrement hermétique à laquelle plusieurs ne comprendront jamais rien de toute façon...

Si la prétention dont s'entiche Metal d'aborder son thème de prédilection selon une perspective anthropologique est légèrement exagérée pour des fins de mise en marché, la démarche de Sam Dunn et de Scott McFadyen n'en demeure pas moins des plus intéressantes. Alternant avec aisance entre les données historiques et sociologiques, le film arrive à la fois à intégrer le néophyte et à satisfaire l'expert. D'accord, on tombe parfois dans le carnet de voyage filmé. Mais l'ensemble du film arrive à résumer l'évolution du genre en à en illustrer les racines de manière expressive sans oublier de répondre à la question fondamentale qui l'anime. Qu'est-ce qui explique le succès sans frontières du métal? Pourquoi le genre semble-t-il à l'abri du temps?

Est-ce que le métal est le dernier bastion de masculinité de l'ère post-féministe? S'agit-il de l'expression d'une certaine confusion sexuelle? D'une manière moderne de mettre la mort au défi? Peut-être, au fond, l'attrait du métal est-il de proposer une communauté tissée serrée dans un monde individualiste. Quoi qu'il en soit, Dunn suit toutes les pistes de réponses possibles sans oublier d'étudier au passage toute la controverse entourant le genre maudit. A Headbanger's Journey propose ainsi un résumé assez satisfaisant des élucubrations sénatoriales provoquées dans les années 80 par Tipper Gore et son club social des mères inquiètes de Washington. Dans un surprenant revirement de situation, le chanteur de Twisted Sisters, Dee Snider, prouve son intelligence en clouant le bec à toute une commission d'enquête qui s'attendait de toute évidence à crucifier sur place une proie facile.

Heureusement, Metal évite le cliché de dépeindre le métal comme simple victime d'une société intolérante et névrosée. Son entrevue avec le chanteur Gaahl du groupe Gorgoroth est aussi simple qu'éloquente. Les débordements norvégiens ne sont pas le produit d'individus particulièrement futés. Quoi qu'il en soit, Metal: A Headbanger's Journey est pour sa part le résultat d'un travail appliqué et surtout passionné. Ses auteurs ont su amasser une formidable masse d'entrevues avec certains des plus grands noms du genre. Bien que l'on assiste d'abord à un pèlerinage personnel qu'entreprend un Dunn extatique, ce fervent ''métalleux'' de Victoria réussit à rendre sa passion contagieuse et compréhensible. Même les moins mordus sentiront à plusieurs reprises toute la puissance démoniaque de la musique de Satan et de la cinquième diminuée. Voilà qui vaut à tout le moins un "devil horn" bien senti...