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MÉMOIRES AFFECTIVES (2004)
Francis Leclerc

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Film de clôture du 33e Festival du nouveau cinéma de Montréal, Mémoires affectives est une oeuvre d'une richesse remarquable qui se distingue non seulement de la production cinématographique québécoise actuelle mais aussi du paysage cinématographique mondial. En fait, le second long-métrage de Francis Leclerc est probablement l'un des meilleurs thrillers de 2004, toutes nationalités confondues, et mérite amplement d'obtenir du succès à travers le monde. D'une originalité narrative et formelle impressionnante, Mémoires affectives surprend le spectateur et le tient en haleine de la première à la dernière image. Pourtant, le thème de la mémoire, dont traite bien évidemment le film de Leclerc, est fort en vogue par les temps qui courent. On a qu'à penser au Memento de Christopher Nolan, film dont le succès marqué commence tout juste à faire sentir son influence sur le cinéma populaire américain, pour illustrer cette tendance. Toutefois, Mémoires affectives offre des personnages à la psychologie beaucoup plus étoffée que le film de Nolan, à défaut de déstabiliser le spectateur grâce à un tour de passe-passe narratif qui était somme toute moins original que certains ne semblent le croire.

Alexandre Tourneur (Roy Dupuis) se réveille totalement amnésique d'un long coma provoqué par un accident de la route. Il ne reconnait personne, ne se souvient d'aucun des évènements marquants de sa vie et doit recoller ensemble les morceaux d'une existence fragmentée qui appartient à l'étranger qu'il est pour lui-même. Film sur la mémoire, certes, mais aussi sur la notion de vérité, car toutes les personnes que croise Alexandre semblent en effet vouloir manipuler cet esprit remis à zéro à son avantage, profiter de son état. Tout comme Tourneur, le spectateur est surpris par l'absence de repères distinguants le vrai du faux dans Mémoires affectives. À ce niveau, il se retrouve donc exactement dans la même situation que le protagoniste du film de Leclerc, et doit à l'instar de son héros démêler lui-même les multiples fausses pistes de la toile complexe et fascinante tissée par le réalisateur et son co-scénariste Marcel Beaulieu. Le film ne donne d'ailleurs jamais de réponses à toutes les questions qu'il peut provoquer. C'est en partie ce qui confère à Mémoires affectives sa beauté et cette aura mystérieuse qui l'entoure.

Un montage sonore inventif, le jeu étonnamment sensible et raffiné de Roy Dupuis de même que la photographie tout bonnement époustouflante de Steve Asselin y sont aussi pour quelque chose à la réussite de Mémoires affectives au niveau purement atmosphérique. Intriguant et envoutant à souhait, le film de Leclerc est aussi un poème visuel à la forêt québécoise en hiver, univers merveilleux trop peu exploité par un cinéma national devenu trop souvent urbain et montréalais. Cet aspect plus contemplatif, poétique et posé du projet n'a toutefois pas empêché Leclerc de concocter un thriller prenant, énergique et parfaitement rythmé qui réussit à prendre avec souplesse et intelligence un virage fantastique en fin de parcours. Cette tournure imprévue ne gâche en rien la psychologie torturée de Tourneur, personnage dont la quête d'un passé et l'entreprise de reconstruction de sa mémoire est présentée de façon engageante et crédible.

Alors que les bons thrillers se font de plus en plus rares chez nos voisins du Sud, il est agréable de voir un film d'ici offrir exactement cela tout en étant par la même occasion un excellent drame psychologique. Visuellement remarquable, Mémoires affectives n'accroche pas l'oeil pour faire oublier un contenu déficient mais plutôt pour l'enrichir. Élégant et intelligent, le film de Leclerc réussit à jouer avec le public sans jamais le perdre, à présenter des idées intéressantes sans oublier de raconter une bonne histoire. Sans aucun doute l'un des meilleurs films québécois de l'année, Mémoires affectives est aussi, tout simplement, l'un des plus intéressants de 2004 point à la ligne. Une telle réussite mérite un accueil chaleureux, à tout le moins dans les cinémas de sa terre natale.




Version française : -
Scénario : Marcel Beaulieu, Francis Leclerc
Distribution : Roy Dupuis, Rosa Zacharie, Maka Kotto, Nathalie Coupal
Durée : 110 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 9 Novembre 2004