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THE MAN WHO WASN'T THERE (2001)
Joel Coen

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Ed Crane (Billy Bob Thornton) est le coiffeur de son village. Il est marié à une alcoolique qu'il ne connaît pas vraiment et qu'il n'aime certainement pas. Ed n'a aucune ambition. Il fume cigarette après cigarette n'attendant rien de la vie, pas même la mort. C'est l'homme moderne, comme le décrira un personnage vers la fin du film, et il est profondément malheureux. Lorsqu'un étranger lui offre de se libérer de sa misérable condition en ouvrant un magasin de nettoyage à sec, il décide d'extorquer au patron de sa femme la somme nécessaire pour ouvrir le commerce en question. Bien entendu, tout n'ira pas comme prévu pour le pauvre barbier, et son rêve tournera bien vite au cauchemar.

C'est ce triste personnage, qui rappelle celui de William H. Macy dans Fargo, que ce neuvième film des frères Joel et Ethan Coen suit d'un malheur à l'autre. Si au niveau de la forme, The Man Who Wasn't There est un pastiche très réussi du film noir, tant par son esthétique et par son ambiance que par les détours que prennent son intrigue, le film est d'abord et avant tout une étude de personnage des plus réussies. Billy Bob Thornton est absolument formidable, offrant une performance qui restera probablement parmi les meilleures de sa carrière. Avec sa gueule de Bogart sans envergure, il est tout simplement parfait pour le rôle, habitant ses silences comme seuls les meilleurs peuvent le faire. C'est la combinaison de sa présence et de la somptueuse photographie noir et blanc de Roger Deakins qui confèrent au film son ambiance tout simplement formidable.

Non seulement la réalisation de Joel Coen est-elle plus assurée que jamais, mais en tant que scénaristes, les frères Coen ont vraiment gagné en maturité. Sans dire que The Man Who Wasn't There est le meilleur film du duo, on y sent clairement le désir qu'ont les frangins d'évoluer, de se débarrasser de leur image de bouffons surréalistes de l'Amérique moyenne. Plus dramatique et plus cérébral que ses prédecesseurs, le film est tout de même teinté du genre d'excentricités qui ont fait le succès de leurs autres films. Toutefois, si l'on reconnaît leur humour particulier à plusieurs points dans le film, on est bien loin du délire total qu'était The Big Lebowski. S'il est possible de critiquer le rythme un peu lent du film, celui-ci permet à Joel Coen de travailler méticuleusement à la création d'une atmosphère sombre et lourde qui donne un aspect presque cauchemardesque à la banalité du petit village qu'habite Crane. On comprend ainsi beaucoup mieux son désir de s'enfuir, de se libérer de son destin d'homme ordinaire pour devenir quelqu'un.

Certaines histoires secondaires viennent quelque peu alourdir le récit, mais The Man Who Wasn't There reste malgré tout un film des plus réussis qui semble indiquer une évolution marquée chez les frères Coen. De tels changements demanderont bien quelques ajustements de la part des auditeurs, mais ce film très abouti tant au point de vue de la forme que du contenu mérite qu'on lui consacre le temps qu'il nous demande. Avec ce film, les frères Coen peignent avec intelligence le portrait d'une Amérique triste et impuissante face à son avenir, bien à l'encontre de l'image que tentent de nous en vendre les médias.




Version française : L'Homme qui n'était pas là
Scénario : Joel Coen, Ethan Coen
Distribution : Billy Bob Thornton, Frances McDormand, James Gandolfini
Durée : 116 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 22 Mars 2004