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LITTLE MISS SUNSHINE (2006)
Jonathan Dayton
Valerie Faris

Par Louis Filiatrault

Continuant d'alimenter un débat fascinant à même la production culturelle étatsunienne, le thème apparemment inépuisable du rêve américain s'est certainement fait la cible de nombreuses attaques tapageuses au fil des années, de charges aussi naïves que les oeuvres embrassant sans équivoque la suprématie occidentale. Mais comme le démontre habilement l'étonnant Little Miss Sunshine, un souci d'efficacité sacrifiant un peu de subtilité dans la démonstration d'une thèse agressive ne rime pas nécessairement avec un échec, particulièrement lorsqu'une telle finesse est accomplie sur les aspects de la forme, du scénario et de la direction d'acteurs. Comédie dramatique humaine et franchement touchante, le très satisfaisant Little Miss Sunshine propose l'ouverture et l'authenticité par le biais d'une suite de protestations modestes mais hautement significatives.

Dans la ville d'Albuquerque, la famille Hoover s'apprête à héberger quelques temps l'oncle Frank (Steve Carell, savoureux dans le rôle du plus grand des spécialistes de Marcel Proust), se rétablissant d'une récente tentative de suicide. Au cours du premier repas partagé par la famille agrandie, la petite Olive (Abigail Breslin, adorable) apprend la nouvelle de sa sélection à un concours national de beauté, tenu en Californie ; et faute de pouvoir s'arranger autrement, il est décidé que tous prendront part au grand voyage en minibus à travers le pays. Entamé dans la morosité la plus complète par tous les membres (masculins) de la famille, le périple s'avèrera bien sûr un puissant révélateur et agent de réconciliation.

L'une des grandes qualités de Little Miss Sunshine est de parvenir à faire oublier l'impression de déjà-vu qu'une lecture rapide du synopsis pourrait susciter. S'ouvrant sur une brève mais brillante séquence de montage introduisant parfaitement chaque personnage - chacun occupant une place égale et cruciale dans le récit - le film enchaîne avec une longue et magistrale scène au foyer d'une étonnante franchise, méritant pleinement la réputation de nouveau morceau d'anthologie que lui attribuent déjà certains cercles. Les péripéties défilent à la vitesse de l'éclair et les dialogues s'échangent avec une précision comique en tous points efficace, fortement aidés par un montage allègre. D'un point de vue strictement narratif, Little Miss Sunshine est une réussite complète.

Mais la véritable force du film se révèle dans son contournement systématique des facilités que l'on pourrait croire inévitables. Une poignée de grands événements dramatiques aux implications psychologiques très complexes ponctuent le récit et engendrent invariablement des réactions à la fois surprenantes et parfaitement sensées. La désillusion percutante vécue par le personnage de Richard s'effectue par étapes d'une fatalité diabolique, provoquant une lente douleur brillamment intériorisée par Greg Kinnear. Celle du jeune Dwayne (Paul Dano, fascinant de subtilité) débouche sur l'un des grands moments d'émotion de 2006, soutenu par une illustration puissante (voir le haut de cette page). À tout coup, Toni Collette insuffle une présence vibrante à son personnage maternel s'efforçant de garder le bateau à flots. Tout cela nous mène à un dénouement irrévérencieux, autosuffisant et, encore une fois, parfaitement logique. Tout est dit, tout est vécu ; ne reste qu'à mettre en pratique les apprentissages par un spectacle iconoclaste et libérateur.

Little Miss Sunshine a été décrit par certains, à tort, comme une apologie de la défaite. Il a plutôt l'intelligence de refuser les notions de « victoire sociale », d'une image toute indiquée du succès, du repli individualiste ; tout autant d'obstacles à l'épanouissement d'une vie que l'on ne vit qu'une fois. Subtilement, voire naturellement, le film démystifie plusieurs futilités et propose de vivre autrement, par le renversement de certaines habitudes prises pour acquises. Son esprit de contestation délicat semble davantage hériter des années 70, mais sa proposition rassembleuse et sa facture simple mais rigoureuse en font quelque chose de calmement intemporel. Mené par une distribution exceptionnelle et un scénario en béton, c'est une petite oeuvre profondément intelligente, un divertissement à consommer sans arrière-pensée désagréable. Ce qui est... agréable.




Version française : Little Miss Sunshine
Scénario : Michael Arndt
Distribution : Greg Kinnear, Alan Arkin, Toni Collette, Steve Carell
Durée : 101 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 19 Novembre 2007