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JÉSUS DE MONTRÉAL (1989)
Denys Arcand

Par Jean-François Vandeuren

Les films de Denys Arcand sont sans le moindre doute la source d'un des discours les plus riches et maniérés que le cinéma québécois ait connu. N’ayant jamais eu peur de mordre la main qui le nourrit, c’est sur un ton toujours très observateur et critique que le cinéaste québécois nous livre des scénarios s’attaquant avec énormément d’intelligence à divers domaines pour en dénoncer le manque d’équilibre, scrutant habilement les endroits où se terrent l’élite et une richesse qui n’a rien de collective. Une entreprise qui ne se fit évidemment pas sans sa part d’excès, restant néanmoins toujours dans le bon gout à quelques exceptions près, voir les traits un peu trop caricaturaux, même si volontaires, de Stardom. Il était donc intéressant de voir comment Arcand allait s’y prendre pour approcher un sujet comme l’image et le sens de l’Église dans la société d’aujourd’hui. Jésus de Montréal nous amène donc à la rencontre de Daniel, un acteur et metteur en scène fraichement revenu d’un long voyage, engagé par un prêtre pour rajeunir une pièce inspirée de La Passion que son église désire présenter au cours de l’été. Daniel assemblera alors une troupe de théâtre dont l’existence de chacun commencera peu à peu à prendre les traits d’un des personnages de La bible.

Évidemment, nous sommes bien loin de l’ère du Christ. Mais là où Arcand frappe fort dans un premier temps, c’est dans la manière dont il ne tente pas de réfuter le passé biblique, mais plutôt de nous amener à constater que ce sont les interprètes beaucoup plus que les rôles en soi de ces histoires qui ont changés. L’Église catholique joue désormais la note du protectionnisme, dont elle fut elle-même victime au départ, contre la science et ses découvertes menaçant à chaque instant de venir mettre un peu plus sens dessus dessous des fondements religieux vieux de 2000 ans. C’est pourtant cette même science beaucoup plus que la foi qui peut rendre possible aujourd’hui ce qu’on appelait autrefois des miracles. Mais Arcand possède aussi un sens de la réparti qui est tout à son honneur. En ce sens, il nous fait le portrait d’une institution qui n’est plus ce qu’elle était, du moins au Québec, mais il lui accorde tout de même son importance, la décrivant avec éloquence comme le repère de la misère humaine et de ceux qui ont encore besoin de croire en une force supérieure ne serait-ce que pour soulager un tantinet leur mal de vivre. Mais il démontre aussi que le pouvoir est désormais ailleurs et que comme l’histoire, le modèle hiérarchique a tendance à se répéter. Et c’est principalement dans cette optique que Denys Arcand élabore avec brio la trame principale de son effort.

La nouvelle Église se définirait-elle par les médias? Jésus de Montréal tend vers cette idée où le réalisateur québécois s’intéresse à la nature des personnages peuplant ce milieu où règne la tentation et le désir pour le pouvoir et de s’abandonner au luxe et à la démesure sans se soucier du bas de l’échelle. Les parallèles que ce dernier tisse ont d’ailleurs tout à voir avec eux. La façon dont Daniel ira recruter ses acteurs donnera l’impression de voir des disciples suivant leur nouveau messie. La comparaison la plus significative se fera entre le cas d’une jeune mannequin, en qui l’industrie ne voit que le physique idéal pour vendre n’importe quel produit, et la prostitué de la bible. Une mise en scène riche en détails que Denys Arcand parsème d’autant plus d’une bonne dose d’humour extrêmement efficace. Ce dernier joua également de finesse en passant une partie importante du film à présenter la pièce élaborée par la troupe et dont l’importance allait se manifester dans les réactions du public, envoyant par exemple de manière symbolique dans les bras de Daniel interprétant Jésus une femme en adoration, voyant en l’acteur le Christ en personne.

Denys Arcand signe en définitive avec Jésus de Montréal une de ses œuvres les plus habiles, où il affiche ses intentions de départ de manière toujours nuancée en mélangeant deux histoires se reflétant l’une dans l’autre. Utilisant d’une manière impressionnante de nombreuses cassures dans le rythme, c’est un peu à cette image qu’il nous fait grâce d’une finale beaucoup plus directe venant solidifier tout le sens du film. Contrairement à la plupart des films à teneur religieuses, et à l’image des personnages principaux qu’il met en scène, Arcand se risque ici à réellement aller de l’avant en proposant une nouvelle approche du personnage du Christ et du sens des écrits religieux, plutôt que d’y aller d’une initiative rétrograde nous incitant à retourner à la case départ, comprenant bien que plusieurs concepts de La bible sont franchement dépassés, mais elle présente encore un sens qui en soi peut s’appliquer à notre monde actuel. Le bouquin tout comme ses instigateurs n’ont par contre plus forcément à se retrouver au cœur du débat.




Version française : -
Scénario : Denys Arcand
Distribution : Lothaire Bluteau, Catherine Wilkening, Rémy Girard
Durée : 118 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 23 Juin 2005