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JARHEAD (2005)
Sam Mendes

Par Frédéric Rochefort-Allie

Au début des années 2000, les films de guerre étaient tous incroyablement actifs. On dépeignait la guerre soit en la valorisant ou en dénonçant les horreurs qu'elle pouvait engendrer. Mais maintenant en 2005, le vent semble avoir tourné et voilà que le cinéma doit laisser place aux films de guerre passifs.

À tout ceux qui espèrent un bon bain de sang irakien, mieux vaut vous avertir que Jarhead n'est peut-être pas le Rambo 4 que vous espériez. La Guerre du Golfe était une «guerre propre», ce qui par définition signifie que la stratégie principale visait d'abord et avant tout à bombarder et ensuite, à agir. C'est là la force de l'armée américaine: le terrain... une fois bien dégagé du danger. Jarhead est une oeuvre contemporaine et se base sur les expériences réelles d'Anthony Swofford (incarné ici par Jake Gyllenhaal) un soldat on ne peut plus commun qui a décidé un jour d'abandonner le rêve de devenir écrivain pour s'engager dans l'armée et devenir un sniper, un tireur élite.

Jarhead ne prend position ni pour la droite, ni pour la gauche. On n'y trouve aucun acte d'héroïsme, aucune grande bataille, que l'ennui et la panique qui habite peu à peu les soldats. William Broyles Jr, le scénariste, a quitté les sentiers battus du moule traditionnel du genre pour reproduire la véritable histoire d'un homme qui attend une guerre, en s'enfonçant dans son aliénation. Les ennemis, ce sont ses frères d'armes. Sa guerre, c'est la survie de sa santé mentale. En ce sens, Jarhead se rapproche beaucoup plus du drame psychologique que d'un sosie de Saving Private Ryan. Les ressemblances avec Guy X de Saul Metzstein sont aussi plus que frappantes, où le soldat fait face à une absence de guerre. Mais Jarhead le surpasse sur tous les points de vue parce qu'il ne perd aucun instant à développer une théorie de complot ou une intrigue amoureuse futile.

On reconnait immédiatement à ce tout dernier né du réalisateur Sam Mendes, sa fraternité évidente avec American Beauty. Encore une fois, ce même désir de désillusionner et de tracer un portrait cynique de notre société habite son film. Plusieurs Américains ultra patriotiques ont jugé Jarhead anti-américain car il osait dévoiler la crise de légitimité de leur guerre ou présenter un portrait réaliste de la vie d'un véritable soldat. C'est donc mission accomplie puisque Jarhead provoque déjà des débats. Mendes est un bon réalisateur parce que c'est avant tout un metteur en scène qui a du pif. Comme il provient du théâtre, il mise toujours sur deux points principaux.

Premièrement, il s'entoure toujours d'excellents acteurs et soutire toujours certaines de leurs meilleures performances en carrière. Kevin Spacey et Chris Cooper nous étonnaient dans son premier film (American Beauty), Paul Newman et Jude Law dans son second (Road to Perdition) et maintenant c'est au tour de Jake «Donnie Darko» Gyllenhaal et du toujours aussi excellent Peter Sarsgaard, à qui l'omniprésence sur nos écrans n'est que bénéfique. Les deux acteurs auront peut-être la chance de faire bientôt la tournée des galas et d'y remporter des prix. Il faut souligner que Gyllenhaal y est particulièrement en forme puisqu'il arrive même à surpasser son interprétation dans Donnie Darko, en incarnant un soldat de façon réaliste, en évitant les clichés pourtant si faciles à emprunter. Jamie Foxx par contre, est peut-être incroyablement amusant dans le rôle du supérieur à Swofford, mais l'acteur n'a plus la même résonance qu'avant. Son personnage semble écrit spécifiquement pour lui.

Ensuite, visuellement Mendes a toujours su s'armer des meilleurs directeurs photos. Après la mort terriblement regrettable de Conrad L Hall, Sam Mendes fait maintenant appel à Roger Deakins, qui lui-même est célèbre pour son travail avec les frères Coen. Chaque plan est minutieusement soigné, léché au moindre détail, tout en conservant l'aspect brut et grisâtre qui s'harmonise à l'armée. Jarhead est donc un spectacle visuel hallucinant, quoi qu'il demeure terriblement sobre.

On se souviendra donc de Jarhead comme étant l'un des meilleurs films de guerre des dernières années, puisqu'il existe enfin une nouvelle alternative aux Black Hawk Down et autres films de propagandes appartenant au même courant. Même s'il demeure passif et à cheval entre deux idéologies, le film de Sam Mendes ne plaira définitivement pas à tout le monde, en particulier avec des phrases comme: «Fuck Politics. We're here. All the rest is bullshit» qui choquent déjà plusieurs ex-Marines. Si c'est l'action qui vous intéresse, passez immédiatement votre chemin puisque Jarhead est en fait un film de soldats et c'est là toute la différence.




Version française : Jarhead
Scénario : William Broyles Jr., Anthony Swofford (livre)
Distribution : Jake Gyllenhaal, Peter Sarsgaard, Jamie Foxx, Scott MacDonald
Durée : 123 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 23 Novembre 2005