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ICHI THE KILLER (2001)
Takashi Miike

Par Pierre-Louis Prégent

Le Japon, ces dernières années, est indéniablement devenu le plus grand pays exportateur de films cultes. Très souvent caractérisé par son extrême violence, le nouveau cinéma japonais fait naître des rejetons comme on n'en voit que très peu en Amérique du Nord. Le réalisateur Takashi Miike est devenu une figure emblématique du genre, avec de nombreux films particulièrement crus dans leurs représentations d’actes violents. On peut penser notamment à Audition, Visitor Q ou Dead or Alive, mais l’exemple le plus flagrant reste sans aucun doute Koroshiya 1, aussi connu sous le nom de Ichi The Killer.

Plongeant le spectateur dans un univers de yakuzas, l'équivalent japonais de la mafia, Miike n'hésite aucunement à multiplier les images choquantes: viols, femmes battues, meurtres, tortures, etc., avec un graphisme et une complaisance rarement égalés. C'est d'ailleurs ce point particulier qui semble constituer la substance première du film. C'est également le cas de plusieurs films de ce courant désormais croissant. Miike est d'ailleurs très prolifique (peut-être même un peu trop qui sait?) et ajoute environ cinq ou six films par année sur les tablettes des marchands de vidéocassettes et DVD. Est-ce qu'on aurait par hasard sacrifié la qualité pour produire en plus grande quantité? Koroshiya 1 vous laissera peut-être cette impression.

On est au Japon, à l'époque contemporaine, où les différents clans de Yakuzas se font la guerre. On apprend que le chef du clan Anjo a mystérieusement disparu avec une rondelette somme d'argent. Kakihara (Tadanobu Asano), bras droit du gangster porté disparu et véritable amateur de sadomasochisme aux nombreuses cicatrices prend la tête du clan afin de retrouver son bien-aimé maître. Toutefois, ses méthodes peu orthodoxes lors d'interrogatoires et son tempérament agressif créent des tensions avec les autres clans de Yakuzas. C'est alors qu'on découvre le vrai responsable de l'enlèvement et d'autres carnages, un dénommé Ichi, psychologiquement contrôlé par un ancien chef de clan qui a pris sa retraite et qui lui fait croire qu'il fut persécuté par de jeunes brutes tout au long de sa jeunesse.

Compliqué? Un peu oui, mais certains détails semblent venir compliquer inutilement l'ensemble, ce qui s'avère quelque peu effarant. Plusieurs extraits du scénario sont prétextes à des scènes sanglantes ou brutales, dénotant un certain manque de maturité chez Miike. Bien que l'idée originale provienne d'une manga de Hideo Yamamoto, l'adaptation scénaristique de celle-ci, gracieuseté de Sakichi Satô, est un peu bâclée par moments. Les intentions ici ne sont absolument pas claires, à savoir s'il s'agit d'un beau gros spectacle de bains de boyaux et de cous transformés en geysers de sang ou plutôt d'une réflexion sur l'amour que l'homme a pour la douleur, aussi subtil soit-il. On a donc un ensemble mal maitrisé offrant tout de même ses bons points.

On retrouve principalement les bons côtés de Ichi the Killer dans son aspect esthétique. D'abord, la photographie est souvent très léchée. L'éclairage est réussi, de même que les textures et les ombrages. La technologie numérique est à remercier dans le cas présent, puisqu'elle contribue très clairement à la qualité de l'image et à l'apparrance très moderne du film. Également, la réalisation. Je parle de la réalisation comme d'un aspect esthétique, puisque c'est sa seule vraie valeur. Le langage filmique est en quelque sorte sacrifié au profit du look avant-gardiste et nouvelle vague que Miike a voulu donner à son film. Cela est assez réussi, malgré une certaine rareté des extravagances dans les mouvements de caméra. La scène de générique au début du film est particulièrement réussie, de même que l'une des scènes dans des bureaux de yakuzas. L'aspect très angulaire de Miike est lui aussi important. La caméra est souvent placée de façon originale, mais, encore une fois, sans signification particulière.

Parmi toutes ces qualités techniques figure toutefois un défaut très honteux par moments: les effets spéciaux. L'utilisation adéquate de l'informatique dans des scènes gore n'est pas une mince affaire et plusieurs séquences du film en constituent la désolante preuve. On pense à la scène où un violeur et batteur de femmes est tranché littéralement en deux. Il s'agit là d'une démonstration risible des possibilités offertes par le numérique. C'est encore moins convaincant que dans l'abominable Resident Evil! En revanche, certains effets sont très réussis, mais ce sont bien évidemment ceux où l'on n'a eu aucun recours à l'informatique.

Ichi The Killer n'est pas un film pour ceux qui ont l'estomac fragile, je vous avertis. Toutefois, un peu comme dans Kill Bill, la violence est tellement exagérée qu'elle en devient ridicule et drôle. Du moins, dans les scènes gore puisque Miike montre aussi des viols brutaux et des tortures absolument insoutenables en toute complaisance, ce qui apporte définitivement un caractère très dérangeant à son film. Et d'ailleurs, là est le hic. On se moque de l'être humain et on essaie de tricoter du mieux qu'on peut une réflexion à travers des scènes de violence beaucoup trop poussées qui deviennent rapidement le moteur de la machine. Dommage qu'une telle réflexion, qui aurait pu s'avérer extrêmement intéressante, soit traitée ainsi, par l'entremise des mains d'un Takashi Miike trop démonstratif et axé sur la provocation. C'est d'ailleurs le problème de Visitor Q, film totalement pervers où il tente maladroitement de démontrer qu'avant d'arriver à l'harmonie, on doit passer par le chaos total. Miike a des idées potables, mais une certaine maturité devra s'installer chez cet être, il a encore du chemin à faire avant de devenir un maître, titre que certains lui accordent déjà à tort d'après moi. Espérons qu'il grandisse assez vite, ce qui est souhaitable, surtout considérant le nombre de films qu'il engendre annuellement.

Bref, un film dont l'esthétique est somme toute bien assimilée, mais dont la substance est sincèrement à réévaluer. L'aspect divertissement, cependant, est bel et bien satisfaisant et les scènes gore sauront facilement charmer les amateurs du genre, malgré quelques excès de sadisme amenés avec une immaturité enfantine. Celle-ci est malheureusement souvent présente dans les oeuvres de ce nouveau genre, mais Miike s'en est tout de même sorti avec quelques bons éléments. Ichi The Killer reste un film de facture assez conventionnelle pour son genre, avec quelques taches d'encre rouge en surplus et une idée de base qui aurait avantage à être revisitée par son auteur dans quelques années, alors qu'il aura acquis plus d'expérience et que ses pulsions excessives d'adolescent seront quelque peu apaisées.




Version française : -
Version originale : Koroshiya 1
Scénario : Sakichi Satô, Hideo Yamamoto
Distribution : Tadanobu Asano, Nao Omori, Shinya Tsukamoto
Durée : 129 minutes
Origine : Japon

Publiée le : 9 Novembre 2003