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THE HOST (2006)
Joon-ho Bong

Par Jean-François Vandeuren

Qu’on le veuille on non, le série B a la cote en ce moment. Il est d’ailleurs devenu monnaie courante, notamment à Hollywood, que des budgets faramineux soient octroyés à des productions coupant particulièrement les coins ronds sur papier afin de leur assurer la présence de quelques effets visuels que de tels projets n’auraient jamais été en mesure de financer trente ans plus tôt. L’un des meilleurs exemples de cette tendance demeure l’épouvantable Godzilla de Roland Emmerich dans lequel les pixels dominaient de façon navrante un récit que nous n’aurions pu imaginer plus vide. Il faut dire que le film de monstre n’a en soi jamais été reconnu pour son raffinement et sa grandeur d’âme. Mais avec The Host, le réalisateur Joon-ho Bong fait fi des conventions plutôt simplettes de ce sous-genre du cinéma fantastique en privilégiant l’élaboration d’un scénario complet devant pardonner les allures numériques peu convaincantes de sa bestiole, lesquelles ne pouvaient évidemment pas rivaliser avec ce que les grands studios américains sont désormais en mesure d’accomplir en la matière. À l’image de ses homologues britanniques Simon Pegg et Edgar Wright (Shaun of the Dead, Hot Fuzz), le cinéaste sud-coréen signe une incursion vivifiante à l’intérieur d’un genre souvent meurtri qu’il dote ici d’une tension dramatique particulièrement soutenue générant autant de rires que d’effrois.

The Host débute pourtant sur une note assez classique : la témérité de l’homme face à dame nature (basée dans ce cas-ci sur le déversement réel de produits chimiques par l’armée américaine dans une rivière de la Corée du Sud) donna naissance à une créature amphibie aux proportions démesurées. Le présent effort n’échappe d’ailleurs pas au traditionnel discours écologique et social de ce genre de scénario dénonçant la bêtise d’un appareil politique et militaire incapable d’enrayer une quelconque menace sans avoir à recourir à des moyens beaucoup plus néfastes que la source du problème en soi. Une idée que le réalisateur de Memories of Murder développe évidemment d’une façon beaucoup plus significative. Le cinéaste effectue également un retour d’une redoutable intelligence sur la vague d’épidémies animales ayant secoué l’Asie au cours des dernières années pour amener une toute autre dimension à la peur et aux inquiétudes avec lesquelles la population de son film doit désormais composer. La bestiole en question se manifestera pour une première fois par un bel après-midi ensoleillé pour une petite partie de chasse sportive dans un quartier fort achalandé de Séoul. Le film de Joon-ho Bong suit alors le parcours d’une famille dont la jeune fille a été enlevée par l’animal en question, lequel a élu domicile quelque part dans les canalisations de la métropole. S’il ne va pas jusqu’à former un huis clos autour de ses protagonistes comme l’avait fait M. Night Shyamalan dans Signs, le cinéaste sud-coréen prend néanmoins le temps nécessaire pour faire les présentations de manière adéquate afin de décupler la force d’impact des nombreux obstacles qui finiront par avoir raison de leur unité.

Le plus surprenant également est que contrairement à bon nombre de ses contemporains qui se tournèrent massivement vers l’autodérision, Joon-ho Bong privilégie pour sa part une approche plus dramatique dont il tire les ficelles avec une agilité pour le moins surprenante. Bien que les effets spéciaux du présent effort accusent un certain retard sur leurs équivalents hollywoodiens et que le cinéaste intègre une touche d’humour sentie et fort bien dosée à l’ensemble, c’est en soulignant d’une manière à la fois vigoureuse et on ne peut plus nuancée l’urgence et la tragédie des événements de son film que ce dernier se démarque réellement de ses pairs. Refusant catégoriquement de sombrer dans le ridicule, Joon-ho Bong remporte haut la main un pari que la majorité des films catastrophes perdirent lamentablement par le passé. Il faut dire que le cinéaste porte une attention toute particulière au sort de ses personnages, pour lesquelles il ne fait toutefois jamais de concession, au détriment de l’action qu’il traite avec une impressionnante économie de moyens. Le réalisateur signe d’ailleurs une facture visuelle des plus expressives formée de mouvements de caméra subtils et suggestifs et d’un montage tout ce qu’il y a de plus fluide, rendant les situations les plus dramatiques prenantes tout en soutenant à la perfection le climat de tension et de crise dont s’imprègne continuellement l’effort.

Le cinéaste sud-coréen termine d’autant plus son opus sur une finale à la fois tragique et anormalement sereine qu’il esquisse avec une retenue tout simplement sidérante. Le calme se manifeste ainsi après une longue tempête qui aura laissé des marques indélébiles sur une famille dont les derniers membres tenteront alors par tous les moyens de retourner à une vie normale tout en sachant pertinemment que rien ne sera plus jamais comme avant. S’il ne se défait jamais complètement des traits les plus classiques du genre dans lequel il s’inscrit, le film de Joon-ho Bong effectue malgré tout un pied de nez pour le moins renversant à une formule attribuant ordinairement une force psychologique surhumaine à ses protagonistes, lesquels sont alors en mesure de se remettre des pires catastrophes comme si rien ne s’était passé. The Host se veut ainsi une œuvre dont la vigueur esthétique appuie parfaitement un récit d’une étonnante profondeur inspirant la plus grande empathie face au destin hasardeux de ses principaux personnages, lesquels devront tous jouer les héros d’une manière ou d’une autre en marge d’un système complètement dépassé par les événements tout en étant constamment confrontés à leur propre fragilité.




Version française : L'Hôte
Version originale : Gwoemul
Scénario : Chul-hyun Baek, Joon-ho Bong, Won-jun Ha
Distribution : Kang-ho Song, Hie-bong Byeon, Hae-il Park, Du-na Bae
Durée : 119 minutes
Origine : Corée du Sud

Publiée le : 25 Août 2007