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GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK. (2005)
George Clooney

Par Jean-François Vandeuren

Lors de son premier passage derrière la caméra pour Confessions of a Dangerous Mind, George Clooney nous présenta une esquisse visuelle fort compétente, mais à laquelle il tenta d‘incorporer beaucoup trop d’artifices pour mettre en scène un scénario signé Charlie Kaufman qui, dans ce cas-ci, n’en avait pas toujours besoin. La pertinence de voir l’acteur américain tenter de nouveau sa chance en tant que réalisateur relève de deux choses. D’abord, Clooney a visiblement pris plusieurs notes de ses diverses collaborations avec des cinéastes comme Steven Soderbergh, qui agit dans ce cas-ci à titre de producteur exécutif, en plus de s’être entouré de collaborateurs affichant une feuille de route respective assez impressionnante, comme le directeur photo Robert Elswit (Punch Drunk Love) et le monteur Stephen Mirrione (Traffic). D’autre part, Clooney est actuellement attaché à une série de projets affichant un engagement politique des plus intéressants. Et c’est expressément la raison d’être de ce Good Night, and Good Luck, dans lequel Clooney visite à nouveau le monde de la télévision pour en questionner sévèrement la pertinence et le rôle dans la société américaine actuelle, effectuant un parallèle tout aussi cohérent et important avec les politiques de l’administration Bush, même après les élections de 2004.

Good Night, and Good Luck relate le cas du journaliste Edward R. Murrow qui fut un des premiers de sa profession à prendre position pour dénoncer les pratiques du sénateur Joseph McCarthy lors de la fameuse chasse aux sorcières qui eut lieu aux États-Unis au début des années 50 afin d'enrayer la menace communiste. L’effort présente ainsi une forme d’héroïsme qui ramène, évidemment, à des films comme The Insider de Michael Mann ou All the President’s Men d'Alan J. Pakula, qui mettait en scène, pour sa part, la fameuse enquête qui permit de faire toute la lumière sur l’incident du Watergate. Ce qui fait dans ce cas-ci de Murrow un personnage si intéressant est que comme pour Jeffrey Wigand dans le film de Mann, sa détermination à aller de l’avant pour changer les choses et son incroyable force de caractère devant la caméra n’a d’égal que son appréhension des plus nerveuses des conséquences inévitables de ses actes sur sa carrière lorsqu’il n’est plus à l’antenne. Dans la peau du journaliste, David Strathairn vole la vedette à une distribution de très haut calibre en nous offrant une des prestations les plus solides de 2005, se démarquant grâce à un jeu extrêmement nuancé reflétant parfaitement le ton télévisuel de l’époque.

Good Night, and Good Luck prends en un sens les allures d’une chronique afin d’accentuer l’impression d’immersion au coeur du monde de la télévision, se déroulant dans ce cas-ci la majeure partie du temps dans les coulisses de la CBS. C’est en mettant d’autant plus l’emphase sur l’importance du geste beaucoup plus que ses responsables que Clooney parvient à conférer une certaine valeur documentaire à son effort, effectuant du même coup un pont on ne peut plus approprié entre la reconstitution et des images d’archives des discours de McCarthy et des séances d’audience découlant de cette chasse aux communistes. Clooney et son équipe proposent ainsi une composition visuelle très élégante, tirant merveilleusement avantage de la photographie noir et blanc et d’un montage tout aussi efficace, quoique plus linéaire, de la part de Stephen Mirrione, qui avait travaillé auparavant sur des astucieux fouillis comme Go et 21 Grams. Le film fait également une utilisation assez intéressante de différents morceaux de musique jazz qui viennent interrompre le fil de l’histoire et réinterprètent, d’une certaine façon, les politiques de McCarthy par le biais de paroles de chansons d’amour.

George Clooney nous livre en définitive avec ce Good Night, and Good Luck un superbe plaidoyer qui ne passe pas par quatre chemins pour remettre en question le rôle d’une télévision corrompue par ses propres sources de financement, la poussant à protéger ses intérêts beaucoup plus qu'à réellement présenter la vérité. Le film met du même coup en perspective le rêve de Murrow d’une Amérique qui se pencherait, l’esprit grand ouvert, vers des programmes d’information qui l’inspireraient à s’intéresser à ce qui se passe dans le monde et à prendre la parole pour partager divers points de vue, plutôt que de constamment s’abrutir devant les séries les plus insipides. Que la personne soit en accord ou non avec certaines idées, cela permettrait à tout le moins d’ouvrir un dialogue qui déboucherait assurément sur une parcelle de bon sens. Un discours que l’on pourrait considérer avoir été bien en avant de son temps. Une autre façon de voir les choses serait de dire que le problème n’a fait qu’empirer depuis.




Version française : -
Scénario : George Clooney, Grant Heslov
Distribution : David Strathairn, Robert Downey Jr., George Clooney, Patricia Clarkson
Durée : 93 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 19 Octobre 2005