FANTASTIC MR. FOX (2009) 
          Wes Anderson 
           
          Par Jean-François Vandeuren 
           
          L’automne 2009 aura vu deux des réalisateurs américains 
          les plus acclamés des deux dernières décennies 
          s’attaquer à deux grands classiques de la littérature 
          pour enfants. Dans un premier temps, Spike Jonze proposa une adaptation 
          tout à fait réussie de l’intemporel Where the 
          Wild Things Are de Maurice Sendak. Ensuite, ce fut au tour de Wes 
          Anderson de tenter de répéter pareil exploit en portant 
          à l’écran le Fantastic Mr. Fox de Roald 
          Dahl (Charlie and the Chocolate Factory). Ce qui impressionne 
          dès le départ avec ces deux longs-métrages, c’est 
          la façon dont ils semblent avoir été édifiés 
          sans le moindre compromis artistique, et surtout avec le plus grand 
          respect pour leur assistance commune. Le film de Jonze s’attira 
          d’ailleurs injustement les foudres de certains spectateurs et 
          critiques à cet égard alors que ces derniers jugèrent 
          que son effort n’avait pas été suffisamment pensé 
          dans le but de plaire à un public en bas âge. Une telle 
          attaque peut pourtant être perçue comme un véritable 
          compliment, en particulier pour un exercice s’inscrivant dans 
          un registre dans lequel les qualités de production s’avèrent 
          souvent médiocres tandis que les « artisans » du 
          milieu semblent visiblement prendre leur auditoire prépubère 
          pour de vulgaires imbéciles. De son côté, Anderson 
          propose une oeuvre déjà plus conciliante, mais non moins 
          raffinée, de par le simple fait qu’il décida pour 
          l’occasion de faire le grand saut dans le cinéma d’animation. 
          Ce dernier se permit tout de même d’ignorer les nouvelles 
          technologies numériques pour se tourner plutôt vers les 
          bonnes vieilles méthodes du stop motion. Mais bien que le réalisateur 
          s’adresse effectivement à un public beaucoup plus large 
          avec ce sixième opus, celui-ci ne laisse néanmoins paraître 
          aucun signe de complaisance. Qu’on se le dise : ce Fantastic 
          Mr. Fox porte fièrement la griffe incomparable du cinéaste 
          jusque dans ses moindres détails.  
           
          C’est d’ailleurs en sortant de sa zone de confort, en déjouant 
          les attentes des cinéphiles, et en apprivoisant de nouvelles 
          techniques de mise en scène que Wes Anderson effectue, en quelque 
          sorte, aujourd’hui la synthèse de ses cinq premiers longs-métrages. 
          Le présent effort bénéficie évidemment de 
          la même qualité d’écriture que celle à 
          laquelle le cinéaste américain nous a depuis longtemps 
          habitués, en particulier au niveau des dialogues - toujours livrés 
          de façon pince-sans-rire et sur un ton justement monocorde par 
          les différents interprètes. Mais ce qui retient surtout 
          l’attention dans ce cas-ci, c’est la manière on ne 
          peut plus astucieuse dont Anderson réussit à extraire 
          du classique de Roald Dahl les machinations saugrenues de Bottle 
          Rocket, les tensions familiales de The Royal Tenenbaums 
          et The Darjeeling Limited, les dualités internes et 
          externes de Rushmore, et l’allure kitsch et bizarrement 
          éclatée de The Life Aquatic with Steve Zissou. 
          Fantastic Mr. Fox se veut d’ailleurs la première 
          collaboration à la scénarisation entre Anderson et Noah 
          Baumbach depuis les trépidantes aventures de l’équipage 
          du Belafonte. Tout comme dans son opus de 2001, le présent exercice 
          s’amorce sur un gros plan du bouquin renfermant l’histoire 
          qui est sur le point de nous être racontée. Fatigué 
          de vivre sous terre, M. Fox partira un jour à la recherche d’une 
          demeure un peu plus luxuriante dans le but d’y loger sa petite 
          famille. L’acquisition du feuillu cachera toutefois un tout autre 
          objectif que le simple bonheur de ses proches alors que celui-ci se 
          situe à proximité des installations des trois fermiers 
          les plus prospères, mais aussi les plus malfaisants, de toute 
          la région. Après s’être faits dérober 
          de leurs biens nuit après nuit, les trois agriculteurs chercheront 
          à se venger en partant à la chasse au renard. Une opération 
          des plus extravagantes qui mettra rapidement en danger tous les animaux 
          de la vallée. 
           
          Évidemment, les inconditionnels de Wes Anderson se sentiront 
          immédiatement à leur place dans ce nouvel environnement 
          filmique où ils discerneront rapidement plusieurs points de repères 
          avec lesquels ils sont depuis longtemps familiers. Le réalisateur 
          impressionne d’ailleurs de par la façon dont il parvient 
          à incorporer l’ensemble de ses particularités techniques 
          - et scénaristiques - à cet univers miniature déjà 
          destiné à accueillir beaucoup plus de voyageurs que les 
          précédentes expéditions humaines mises sur pied 
          par ce dernier. On pense à ces plans frontaux extrêmement 
          photographiques dans lesquels Anderson organise son espace avec une 
          minutie incomparable, à ces travellings latéraux exécutés 
          d’une main de maître, à ces décors littéralement 
          coupés en deux aux abords desquels il adore faire voler sa caméra… 
          Tout y est. L’Américain réaffirme d’autant 
          plus son goût prononcé pour la pop des années 60 
          en se permettant de piger dans le registre de gros noms tels The Beach 
          Boys et The Rolling Stones pour accompagner ses élans. De son 
          côté, le très convoité Alexandre Desplat 
          agrémente cette trame musicale de quelques pièces originales 
          en reprenant exactement là où la collaboration entre le 
          cinéaste et le compositeur Mark Mothersbaugh s’était 
          arrêtée. Anderson eut également la brillante idée 
          d’imprégner sa réalisation d’une touche un 
          peu plus enfantine en utilisant les moyens du bord pour concevoir certains 
          effets d’animation. Du papier cellophane prend ainsi la forme 
          d’une rafale de cidre alors qu’un peu de watt fait parfaitement 
          l’affaire pour reproduire de la fumée. Certes, une telle 
          mise en scène constitue un pari audacieux pour un auteur de cette 
          envergure. Le simple fait de jumeler une facture visuelle aux formes 
          aussi dramatiques à un récit pourtant tout ce qu’il 
          y a de plus animé - dans les deux sens du terme - tient déjà 
          du génie, imaginez lorsqu’on ajoute en plus à pareille 
          initiative une bande d’animaux qui parlent… 
           
          Le tout permet essentiellement de prouver une fois de plus la versatilité 
          d’un cinéaste dont la feuille de route s’avère 
          toujours exemplaire tout en témoignant de la pertinence d’une 
          démarche créatrice capable de s’adapter aux situations 
          les plus éclectiques sans avoir pour autant à renier ses 
          propres fondements. Anderson signe ainsi un exercice prodigieux et on 
          ne peut plus charmant dans lequel le drame et la comédie se chevauchent 
          du début à la fin. Fantastic Mr. Fox s’impose 
          également de par la façon dont il réussit à 
          conjuguer, et même à confondre, les éléments 
          destinés à un public adulte et ceux adressés aux 
          spectateurs un peu plus jeunes. C’est le cas notamment au niveau 
          du langage alors qu’Anderson et Baumbach ont su habilement déguiser 
          une quantité assez considérable de blasphèmes, 
          et ce, sans jamais altérer la nature de leurs dialogues. L’une 
          des grandes forces du cinéma d’Anderson demeure évidemment 
          la consistance de ses personnages, dont il effectue toujours un portrait 
          précis à l’aide de peu de mots en plus de les rendre 
          instantanément attachants, peu importe leur nature. Le réalisateur 
          a d’ailleurs toujours pu compter sur d’excellentes distributions 
          pour l’appuyer et le présent effort ne fait pas exception 
          à la règle alors que les Clooney, Murray, Schwartzman, 
          Gambon et Streep effectuent tous un travail exemplaire au niveau des 
          voix. Pour le reste, l’Américain continue d’approfondir 
          son thème de prédilection sur l’acceptation de soi 
          et la manière de gérer ce côté parfois « 
          sauvage » dans un monde beaucoup plus singulier. Sans annoncer 
          de changement de cap, Fantastic Mr. Fox se révèle 
          une escapade réussie dans le domaine de l’animation pour 
          le réalisateur qui aura su y reproduire cet univers feutré 
          et chaleureux qui est désormais bien ancré dans l’imaginaire 
          des cinéphiles et dans lequel il est toujours aussi agréable 
          de se replonger. 
         
          
         
        
        
        Version française :  Fantastique Maître Renard
        Scénario :  Wes Anderson, Noah Baumbach, Roald Dahl (roman)
        Distribution :  George Clooney, Meryl Streep, Jason Schwartzman, 
        Bill Murray
        Durée :  87 minutes
        Origine :  États-Unis, Royaume-Uni
        
        Publiée le :  1er Janvier 2010
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