A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND (2004)
Michel Gondry

Par Jean-François Vandeuren

Dieu merci, il existe encore des scénaristes visionnaires de la trempe de Charlie Kaufman! Après deux collaborations incontournables avec le réalisateur Spike Jonze, une des grandes têtes pensantes du cinéma actuel renoue cette fois-ci avec un autre cinéaste réputé de l’univers du vidéo clip, Michel Gondry. Véritable maître de l’image, on lui doit d’innombrables trouvailles et prouesses visuelles, dont le fameux effet «bullet-time», faussement attribué aux frangins Wachowski. Après une première collaboration (Human Nature) qui passa malheureusement inaperçue, le tandem revient avec une comédie romantique psychédélique qui se retrouvera assurément très haut dans la liste des oeuvres cinématographiques les plus significatives de la présente décennie.

Les instants oniriques composant le tout dernier éclair de génie du scénariste nous transportent dans la tête de Joel Barish (Jim Carrey). Après que son ancienne petite amie, Clementine (Kate Winslet), ait utilisé impulsivement un procédé nébuleux réussissant à l’effacer complètement de sa mémoire, Joel décide d’utiliser la même technique pour faire de même avec elle. Le problème est qu’en cours de route, ce dernier désirera faire marche arrière et tentera de garder au moins un dernier souvenir de Clementine.

Sous le choc et ahuri sont probablement les meilleurs qualificatifs pour désigner l’état d’esprit dans lequel vous risquez de vous trouver en sortant de la salle. Tout cela avec une envie folle d’y retourner immédiatement, comme pour un manège nous amenant enfin vers de nouveaux horizons. Il est également difficile de classer un tel délire. Il s’agit d’un travail plutôt unique en son genre. Imaginez un mélange concentrant les éléments de comédie romantique nouveau genre de Punch-Drunk Love, aux meilleurs côtés d’Adaptation. et de Being John Malkovich, avec une structure encore plus éclatée que celle de Memento.

D’autre part, Kaufman vient complètement sortir des sentiers battus la comédie romantique par une oeuvre extrêmement humaine en plus d’être fort probablement la plus intéressante et originale du genre (avec le Punck-Drunk Love de P.T. Anderson) depuis bien des années. S’il s’agit d’un film pouvant paraître un peu imposant au niveau du contenu, n'étant pas ce qu’il y a de plus léger admettons-le, il faut bien avouer d’un autre côté que l’opus de Gondry et Kaufman ne fait aucunement les choses à moitié. Ce voyage délirant traité de main de maître se développe autour d’idées tout à fait fascinantes concernant les rêves, la mémoire et la relation entre ceux-ci et les sentiments humains. La dynamique du film est d’ailleurs articulée en rapport avec celle des rêves éveillés et l’idée d’un certain contrôle sur son subconscient. L’autre partie de cette thématique tend à nous faire réfléchir sur l’importance des souvenirs, puisque ces derniers sont des éléments assez importants de ce que nous sommes. C’est par les expériences passées et une méditation sur ces dernières qu’on peut réellement évoluer. Les effacer, c’est en même temps détruire une partie de nous-même et d’un point de vue sentimental, l’histoire se consacre également à la distinction entre les deux. Dans cet ordre d’idées, Kaufman démontre que l’amour n’est pas une faculté qui est automatique. Il ne s’agit pas d’avoir les bons mots placés aux bons moments pour se faire une place dans le coeur de l’autre.

D’un point de vue technique, le résultat est hallucinant. Michel Gondry est sans contredit un grand de son art. Les effets visuels employés pour montrer la déconstruction des souvenirs du personnage de Carrey sont divins, jamais surexploités et se renouvellent sans cesse. La mise en scène utilisant la technique de la caméra à l’épaule mélangée à la géniale direction photo nous donne des moments visuels franchement hypnotiques. C’est d’une beauté telle qu’on en a rarement vu. Si au cours des prochaines années, le réalisateur d’origine française réussit encore mieux à transiger son monde unique qu’il a développé par le biais du vidéo clip en le faisant passer au grand écran, on peut s’attendre à des aventures tout aussi ingénieuses. La composition de l’univers musical est également assez démentielle. La musique en vient parfois à modifier d’elle-même le sens de certaines scènes.

Bref, Eternal Sunshine of the Spotless Mind vient confirmer (une fois de plus) l’immense génie, inépuisable espérons-le, de Charlie Kaufman. Comme c’est souvent le cas pour ce genre de film, l’effort est toujours grandement récompensé en bout de ligne. Un mélange survolté et extrêmement bien dirigé. À quoi d’autre pouvait-on s’attendre de la part d’un scénariste devenu synonyme de démolition minutieuse des conventions et d’un réalisateur à qui l’ont doit bons nombres des dernières trouvailles importantes en matière de réalisation? Délires somptueux.




Version française : Du soleil plein la tête
Scénario : Charlie Kaufman, Michel Gondry
Distribution : Jim Carrey, Kate Winslet, Kirsten Dunst, Elijah Wood
Durée : 108 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 22 Mars 2004