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LES ÉTATS NORDIQUES (2005)
Denis Côté

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Deuxième film québécois de 2005 à revendiquer sa frustration à l'égard des institutions de financement du cinéma comme principal mobile de création, Les États nordiques n'échappe pas aux comparaisons à Bienvenue au conseil d'administration de Serge Cardinal et, par son désir d'aborder le thème de l'euthanasie, nous ramène au cinglant Petit Pow! Pow! Noël de Robert Morin. Ces deux films franchement supérieurs au premier long-métrage du critique cinématographique Denis Côté se distinguaient par la nature vaste - voire éparpillée dans le cas de l'essai plutôt expérimental de Cardinal - de leur propos et par la fougue avec laquelle ils vociféraient leurs opinions. Timide et réservé, le film de Denis Côté est bel et bien un fourre-tout d'idées éparpillées. Malheureusement, son manque d'éloquence le rend hermétique et simpliste là où les films de Cardinal et de Morin étaient foncièrement personnels et complexes. À l'instar de son personnage principal, Les États nordiques est un film avare de mots. Mais ses images ne parlent pas d'elles-mêmes.

De toute évidence, Côté tente ici de traiter de bons nombres de thèmes et d'émotions. De la solitude à la culpabilité en passant par le contraste entre la ville et les régions, Les États nordiques égratigne en surface une panoplie d'idées qui méritent toujours d'être approfondies. S'il est facile de ranger le film de Côté aux côtés des films de Morin et de Cardinal, c'est qu'il brouille tout comme ceux-ci la frontière entre la fiction et le documentaire. Néanmoins, c'est avec le documentariste Benoît Pilon que l'on pourra dresser les plus justes comparaisons. Tout comme l'auteur de Roger Toupin, épicier variété et de Rosaire et la Petite-Nation, Denis Côté s'intéresse aux communautés marginales et s'inspire dans sa démarche du cinéma direct de Pierre Perrault. Son film débute d'ailleurs sur une référence directe à La Lutte de 1961. Côté placera son seul personnage fictif, un homme fuyant la ville après y avoir commis par compassion le meurtre de sa mère comateuse, parmi les habitants réels de la ville retranchée de Radisson.

Les quatre cents habitants de Radisson forment la seule communauté non autochtone du Québec à habiter au nord du 53e parallèle. Étroitement liée à celle de la Baie James, l'histoire de ce petit village isolé nous est contée en fragments par l'entremise des témoignages de ses citoyens. Contrairement à Pilon, Côté intègre son portrait d'un autre Québec à une narration dramatique approximative. Malheureusement, cette approche ne fonctionne qu'à moitié. Les États nordiques est autrement plus intéressant lorsque la caméra est pointée sur les habitants de la petite communauté, alors que les péripéties de Christian nous laissent de glace. Côté semble incapable de saisir l'essence de son personnage, entre autres parce qu'il ne prend pas le temps de réfléchir en sa compagnie.

Ainsi, ce film se voulant de toute évidence contemplatif semble au contraire étrangement précipité. En réponse à la question cruciale de l'euthanasie, Côté ne propose que les commentaires de quelques jeunes de Radisson. L'idée n'est pas sans intérêt, mais manque de profondeur. Les États nordiques se veut intimiste, mais seule la majesté de ses paysages nous émeut. La culpabilité du personnage de Christian n'est que vaguement effleurée. Quelques trouvailles de réalisation assaisonnent la mise en situation du film : le poids que représente la mère dans la vie de Christian est souligné dans le montage par l'insistance d'un moniteur dont le silence fatal nous libère en même temps que le principal intéressé. Pourtant, la majeure partie du film entretient ce cliché éculé selon lequel la caméra à l'épaule est un gage d'intensité.

Au bout du compte, Les États nordiques est un premier long-métrage que l'on peut qualifier de prometteur, mais qui, en soit, ne satisfait pas nos attentes en tant que spectateur. Son propos est diffus et sa charge émotive vague. À un tel point que lorsque Côté exploite de manière somme toute assez déplacée l'excellente East Hastings du groupe montréalais Godspeed You! Black Emperor pour souligner assez peu subtilement la nature tragique de sa conclusion, nous restons avec la triste impression qu'il tente tant bien que mal de nous arracher de force une quelconque réaction émotive. Il est agréable de voir le cinéma québécois quitter la prison des grandes villes. Encore faut-il avoir une idée de notre destination, chose dont le film errant de Côté semble incertain jusqu'à la fin.




Version française : -
Scénario : Denis Côté, Christian LeBlanc
Distribution : Christian LeBlanc, les habitants de Radisson
Durée : 91 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 25 Juin 2006