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L'ENFANT (2005)
Jean-Pierre Dardenne
Luc Dardenne

Par Jean-François Vandeuren

Avoir un enfant dans le monde d’aujourd’hui n’est vraisemblablement pas la même chose qu’il y a trente ans. Dans une société de plus en plus prise dans les rouages de ses propres valeurs individualistes, l’arrivée d’un bébé, même dans les conditions les plus favorables, peut être vue comme un fardeau, particulièrement en ce moment où un nombre record de couples et de familles tentent tant bien que mal de passer à travers l’instabilité de leurs désirs et des responsabilités émanant des nouvelles bases de leur quotidienneté. De ce fait, l’éducation, voire l’intérêt dans le pire des cas, peut en prendre un sacré coup, car encore faut-il être capable de réaliser l’attention qui doit être apportée au nouveau venu. Il ne s’agit pas d’un gadget que l’on jette bêtement après usage. Voilà sensiblement autour de quoi tourne le nouveau film des frères Dardenne. Ceux-ci nous présente alors un jeune couple qui vient tout juste d’avoir un enfant, dont le père, Bruno, qui ne veut rien savoir du marché du travail, se complait dans sa vie de brigand où il réussit toujours à subvenir à ses besoins en volant et en revendant ce qui lui tombe sous la main. Un problème de taille surgira par contre le jour où, sur un coup de tête, il décidera de vendre son fils.

Les deux cinéastes nous présentent ainsi une intrigante étude de personnage dans laquelle le titre du film ne fait évidemment pas référence au nouveau né, mais bien au nouveau père et son caractère enfantin. Pas que l’effort s’attaque de manière directe à un cas de figure paternelle, mais il garde tout de même une certaine optique sur le détachement de son protagoniste par rapport à toute situation, se défilant de ses responsabilités ou comportements passés, en plus d’une forme cachée de jalousie ramenant d’une certaine manière à Œdipe. Le plus étonnant est que les frères Dardenne et particulièrement l’acteur Jérémie Renier, excellent dans le rôle principal, représentent ces différentes facettes de la personnalité de Bruno sans les souligner à outrance où en cherchant à traiter l’inconscience de ses actes comme une vulgaire forme de folie, ce qui ajoute énormément à la crédibilité du personnage.

La mise en scène de L’Enfant suit également le nouveau courrant réaliste de plus en plus établi dans ce genre de récit et qui se révèle d’autant plus efficace dans un contexte principalement urbain. Le duo se détache ainsi de son film pour nous laisser sur une réalisation complètement ancrée dans un style caméra à l’épaule des plus fluides, nous plaçant de cette manière au cœur de l’histoire. Ces derniers supportent également ce point au niveau du son, s’appuyant sur une trame sonore formée à partir de bruits ambiants et qui ne fait jamais appel à la moindre forme d’accompagnement musical. Le tout porte évidemment la signature des frères Dardenne dont la particularité se base en soi sur l’absence de toute identité artistique, ce qui leur permet de nous confronter à un univers sur lequel ils ont un contrôle tout à fait exceptionnel et qu’ils filment d’une manière tout aussi compétente.

Il est par contre encore un peu difficile de dire si le film des frères Dardenne méritait hors de tout doute la Palme d’or de l’édition 2005 du Festival de Cannes, leur deuxième en carrière. Mais de ce qui passa de l’autre côté de l’Atlantique jusqu’à présent, L’Enfant obtient assurément une place de choix parmi les favoris. Les deux cinéastes belges abordent de ce fait efficacement un enjeu important de notre société, de plus en plus soulevé au cinéma d’ailleurs, d’une façon évidemment très imagée, mais qui ne devient toutefois jamais excessive ou criarde. C’est cette retenue on ne peut plus respectable et constamment récupérée par les deux frangins qui permet finalement à ceux-ci d’éviter bon nombre de fautes et de rendre à l’écran un témoignage prenant sur les fondements de plus en plus fragiles de la famille d’aujourd’hui.




Version française : -
Scénario : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Distribution : Jérémie Renier, Déborah François, Fabrizio Rongione, Jérémie Segard
Durée : 95 minutes
Origine : Belgique, France

Publiée le : 19 Octobre 2005