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DOWNFALL (2004)
Oliver Hirschbiegel

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Berlin, 1945. Les Russes approchent un peu plus à chaque jour de la capitale allemande. L'armée nazie est en déroute. Le IIIe Reich en est à ses derniers jours. La Chute d'Olivier Hirschbiegel nous invite à assister à l'écrasement du régime hitlérien, nous offrant d'être des témoins privilégiés de l'évènement. Grand projet, donc, surtout que l'épisode historique en question, en plus d'être fascinant, a rarement été approché d'un tel angle carrément intimiste. Projet ambitieux aux possibilités multiples, certes, qui aurait toutefois pu s'avérer bien plus grandiose que le produit final qui souffre, malgré ses nombreuses qualités marquées, d'imperfections flagrantes.

Si La Chute s'est attiré les reproches de la presse allemande et arrive sur notre continent entouré du genre de joli parfum de scandale qui devrait lui assurer un certain succès, force est d'admettre que le film d'Hirschbiegel est tout de même plutôt sage. S'il humanise Hitler en le présentant à la limite entre la folie et le désespoir, le film n'en fait pas non plus une figure sympathique et n'excuse certainement pas ses gestes comme le déclarait certains journalistes. Bouillonnant, obsédé, rongé par la défaite, presque rendu pathétique par la situation, le Hitler de Bruno Ganz est un personnage passionnant qui dépasse le simple monstre insensé. C'est la performance exceptionnelle de Ganz qui fait toute la force de La Chute. La confiance des généraux du Führer s'effrite au fur et à mesure que celui-ci s'enfonce dans un délire de plus en plus complexe, insensible à la misère de son peuple et à demi inconscient de la décrépitude de ses armées.

Dès que la caméra d'Hirschbiegel se libère de l'atmosphère étouffante du bunker, le film perd de son intérêt de manière drastique. C'est ce portrait trouble et subtil de cette figure singulière, horrible et hypnotisante, qui fait toute la force de La Chute. Mais en tentant de dresser en parallèle à ce portrait unique un spectacle à grand déploiement plus typique, le réalisateur escamote maladroitement ce qui fait justement l'originalité et l'intérêt de son film. De la jeune secrétaire Traudl Junge (Alexandra Maria Lara) au Goebbels fanatique d'Ulrich Matthes, les habitants du bunker accablés par la défaite sont autrement plus intéressants que les horreurs mille fois montrées à l'écran du conflit armé. Le délire et la désillusion qui secoue l'entourage d'Hitler transmet la folie de son régime avec autrement plus de succès que cette reconstitution historique convenue.

Toutefois, il faut accepter que le film d'Hirschbiegel parlera d'abord et avant tout à ses concitoyens, qui seront autrement plus soulagés que tourmentés par ce drame qui ne culpabilise pas vraiment le peuple allemand pour les atrocités commises par le régime hitlérien. En fait, on sent une certaine volonté du réalisateur de présenter les Allemands comme les victimes du dictateur et de son régime plutôt que comme des complices. Que l'on soit ou non d'accord avec cette prise de position, La Chute a le mérite de soulever plusieurs questions intéressantes sur cette responsabilité que l'on aime bien confier à d'autres, entre autre par l'entremise du personnage de Traudl Junge, qui navigue sans cesse entre l'innocence et la complicité.

Finalement, on a l'impression que tous les éléments étaient en place pour offrir un film grandiose mais que cette promesse n'est jamais tenue. Un peu ordinaire au niveau visuel, La Chute demeure un film intéressant malgré sa trame dramatique chargée qui aurait gagné à être allégée, question peut-être de raccourcir de quelques minutes ce drame historique un tantinet trop long. Posant un regard plus nuancé que celui que l'on nous sert à l'habitude sur le leader nazi, le film d'Olivier Hirschbiegel ne passera pas à l'histoire mais captivera sans doute les férus d'histoire qui prendront un plaisir certain à assister à l'effondrement de la machine fasciste assis aux premières loges. Qu'on le veuille ou non, ce n'est pas à tous les jours que l'on peut voir Adolf Hitler dégustant des raviolis. Preuve qu'il y a bien un humain derrière le monstre.




Version française : La Chute
Version originale : Der Untergang
Scénario : Bernd Eichinger, Joachim Fest (roman)
Distribution : Bruno Ganz, Alexandra Maria Lara, Corinna Harfouch
Durée : 156 minutes
Origine : Allemagne

Publiée le : 24 Mars 2005