A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

THE DOOM GENERATION (1995)
Gregg Araki

Par Pierre-Louis Prégent

L’adolescence est un sujet très souvent mal abordé au cinéma, particulièrement au cours des dernières années. Le problème est que soit les cinéastes s’intéressant au sujet tombent dans le piège de la démesure et de l’excès qui marquent cette période de la vie (ce qui constituerait une première catégorie de films d’ados), soit ils en censurent nettement trop le côté obscur et deviennent superficiels et naïvement idéalistes (ce qui constituerait la seconde catégorie). Dans les deux cas, il y a des figures de proue. Dans le premier type, on retrouve les films de Larry Clark (KIDS, Bully, Ken Park) tandis que dans le deuxième, on retrouve une multiplicité de clones tels que She’s All That, Drive Me Crazy, etc. Autrement dit, certains voient le sujet comme l’objet d’une étude potentiellement intéressante, et d’autres, comme une stratégie de vente qui fonctionne à tous coups. Cependant, on peut au moins accorder à Gregg Araki, réalisateur de The Doom Generation, que son film s’éloigne vaguement des deux classifications…toutefois, le rejeton d’Araki n’en surpasse aucune, je vous le garantis.

Le scénario raconte l’histoire de deux adolescents troublés, Jordan White (James Duval) et Amy Blue (l’atroce Rose McGowan) dont la vie semble ne mener nulle part et dont la seule lueur restante semble être celle des projecteurs endiablés d’une discothèque branchée où la débauche est reine. Un soir, ils embarquent un mystérieux jeune homme manipulateur dénommé Xavier Red (Johnathon Schaech) dans leur voiture. En un tour de mains, il les convainc de faire le tour des États-Unis. The Doom Generation pivote donc vers le « road movie ». Ensemble, ils se promèneront de motels miteux en dépanneurs aux tablettes inondées de « junk food », laissant derrière eux quelques cadavres généreusement mutilés et ramassant des factures dont le total est toujours le même : 6.66$. Tout cela pour supposément découvrir qui ils sont et le sens de leur existence. Alors là, on ne viendra pas me dire que ce détail seul ne suffirait normalement pas à prouver la gratuité et l’insignifiance putrides de la provocation et du mauvais goût d’un tel film. Mais, comme si ça n’était pas assez, on a également droit à des plans « surréalistes » où des messages anti-société sont carrément projetés sur les murs avec un éclairage haut en couleurs...que c’est surréaliste! Et que dire de cette tête arrachée qui, pour aucune raison apparente, commence à vomir un liquide étrange ou encore cette scène ridiculement gratuite et insignifiante où l’on montre à la télévision une famille complètement massacrée lors d’un bulletin de nouvelles moqueur. Pire encore est la scène idiote lors de laquelle Xavier Red se masturbe en regardant les deux tourtereaux faire l'amour et lèche le sperme dégoulinant de sa main. Provocation gratuite et prétentieuse supposément justifiée par une vision critique des actes…qui ne l’est pas du tout en fait. Car ici, on sent parfaitement la complaisance d’Araki, son désir d’impressionner et de dégoûter le spectateur. Serait-ce par hasard une astuce (très peu astucieuse) pour masquer la nullité intrinsèque du scénario et du message? Araki se démasque lui-même à ce sujet.

Que dire de la réalisation et du film en tant qu’ensemble? Eh bien, voici le discours qui me semble le plus adéquat :Mesdames et messieurs, voici Gregg Araki, une espèce de clone raté imitateur (pour ados) de David Lynch et de Jodorowsky sans aucune subtilité et aucun talent qui vous enfonce ses messages anti-société tous cuits et pourris dans le bec. On peut facilement l’accuser d’être plus gratuit et complaisant que Takashi Miike, on peut lui reprocher un plus grand manque de subtilité qu’Oliver Stone avec son Natural Born Killers, et finalement, on peut affirmer qu’il est plus insignifiant et insipide dans ses personnages et dans son scénario qu’un scénariste de films de High School américains... Je crois que ceci donne bel et bien un mélange fort peu prometteur, ce que le résultat final vient nous confirmer bien évidemment et bien rapidement. La lâcheté et l’hypocrisie cachées (encore une fois peu subtilement) derrière ce déchet sont parfaitement évidentes: Araki prend des personnages creux comme des cruches vides de dix gallons qui correspondent quelque peu aux modèles clichés et populaires de l’ «innocent», du «séducteur» et de la «salope» et les plonge dans un monde malsain dans lequel il leur fait vivre des mésaventures pathétiquement ultraviolentes. D’ailleurs, ces trois êtres lamentables sont rendus par une exécrable interprétation qui constitue, sans aucun doute, l’un des points les plus irritants du film. Rose McGowan nous offre ici une performance absolument pitoyable et insoutenable et James Duval est franchement nul. Le dialogue, bien évidemment, ne vient aucunement jouer en leur faveur; le texte de Rose McGowan en fait l’un des personnages les plus vides, méprisables et vulgaires que l'imagination humaine puisse engendrer.

Tout en prétendant faire une satire au regard critique, Araki se complaît à montrer des scènes de violence stylisée et des séquences malsaines et interminables de sexualité entre adolescents. Autrement dit, il tente de faire un film dans lequel la violence et le sexe sont «cools», question de plaire aux adolescents tout en évitant d’être classé parmi les réalisateurs de films d’ados conventionnels en insérant un message falacieux qu’il contredit lui-même par la répugnance exagérément intense de sa « création ». Trop dégueux pour les jeunes, trop con pour les adultes, voilà le désolant résultat. En d’autres termes, Araki fait preuve d’une flagrante immaturité et d’une compréhension risible du surréalisme, style requérant verve symbolique et flair visuel...qu'il ne possède aucunement.

Malgré la différenciation que l’on peut faire du film d’Araki par rapport aux deux catégories mentionnées précédemment, je dirais tout de même que The Doom Generation comporte les inconvénients des deux types de films d’ados…à la puissance dix! Il exagère énormément sur les doses de grotesque et de choquant, tout en restant purement superficiel. The Doom Generation, est une insulte à l’intelligence, une pelletée d’asticots administrée directement au cerveau. Ce film est au cinéma ce qu’un hot dog à demi-digéré est à la gastronomie. Fondamentalement insipide (malgré l'arrière-goût extrêmement mauvais qu'il laisse) et prétentieux, il figurera probablement à jamais dans la liste des films les plus pourris et arrogants qu’il m’ait été donné de voir, juste avant quelques autres détritus filmiques immondes qui sont également des films de Gregg Araki (Nowhere, Totally Fu**ed Up, etc.). Dites-vous qu’à côté de cela, Natural Born Killers et Ichi The Killer sont éloquents, subtils, songés, et aucunement prétentieux... Difficile à croire, mais vrai.

Le seul point intéressant du film, par rapport à plusieurs œuvres au sujet similaire, c'est qu’ici, on a l’impression qu’il ne s’agit pas d’un adulte qui tente de synthétiser les problèmes de la jeunesse d’aujourd’hui, mais plutôt d’un adolescent qui pose son regard sur la question. Par contre, cet adolescent (qui n’en n'est pas un, du moins, physiquement) ne fait qu’emballer son récit dans un univers superficiel et branché avec une touche indéniable d’abject, comme s’il voulait à la fois être accepté et considéré comme moderne et «in» par son jeune auditoire américain rebelle et ignorant tout en passant pour un artiste qui fait une satire sur l'adolescence. On essaie de glisser une forme primitive et désorientée de surréalisme dans un cinéma commercial et insipide. Araki tenterait-il de passer pour un intellectuel et aurait-il véritablement terré de la matière et du symbolisme profond dans cet amalgame d’images repoussantes? Si oui, alors je suis la définition incarnée d’un imbécile. Sinon, et j’en ai bien peur, The Doom Generation est un parasite cinématographique ordurier et gratuit qui a l’arrogance de prétendre critiquer la société et les comportements qu'il fétichise.




Version française : -
Scénario : Gregg Araki
Distribution : Rose McGowan, James Duval, Johnathon Schaech
Durée : 85 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 16 Juillet 2004