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LE DÉCLIN DE L'EMPIRE AMÉRICAIN (1986)
Denys Arcand

Par Alexandre Fontaine Rousseau

On aura beau dire ce que l'on voudra au sujet des qualités intrinsèques évidentes des Invasions barbares, il n'en demeure pas moins que le portrait global qu'y offrait Arcand était un brin frustrant. En fin de compte, le plus récent succès international du plus populaire des réalisateurs québécois nous racontait les derniers jours d'un vieil intellectuel mourant malmené par le dépravé système de santé socialiste pour lequel il s'était battu toute sa vie. Heureusement pour lui, les capitalistes américanisés et arrivistes ainsi que les jolies junkies déphasées, ces enfants mal élevés engendrés par les baby boomers, permettaient à Rémy (Rémy Girard) de finir en beauté en fournissant héroïne et services de santé privée à notre vieux malade. Ce faisant, ceux-ci achetaient leur rédemption à grands coups d'argent et de corruption! Et tout le monde versait une larme pour la grosse finale! Qui, au moins, s'avérait un plaidoyer en faveur d'une forme de respect de la vie trop ambiguë pour les fondamentalistes chrétiens et autres illuminés en faveur de l'acharnement thérapeutique.

Mais ces Invasions barbares, au demeurant très bonnes, étaient-elles une ode vibrante au nombrilisme néo-libéral, une attaque en règle contre l'échec d'une jeune génération méprisable et opportuniste ou une remise en question de tous nos acquis sociaux que livrait sur son lit de mort un vieux marxiste fatigué et désillusionné? Quoi qu'il en soit, le message social du film était un brin confus et, en y repensant bien, facile à remettre en question voire insultant pour quiconque n'étant pas un boomer à l'article de la mort ou de la retraite. Il était cependant inévitable que tous veuillent le voir et s'y attachent. Car c'était la suite du mythique Déclin de l'empire américain. Et quel film ce Déclin demeure-t-il même près de vingt ans après sa sortie!

Soit, Le déclin de l'empire américain n'a rien d'un chef d'oeuvre visuel. Le film a vieilli, perdu de son actualité et s'est finalement établi en tant que reflet filmique d'une certaine époque. Mais il n'a aucunement perdu de son intelligence et de son intérêt avec le temps. Parce que le film d'Arcand demeure un bombe rythmique dont le verbe demeure le seul détonateur. On pourrait accuser Arcand, le scénariste, d'avoir misé uniquement sur les mots puis reprocher à Arcand, le réalisateur, d'avoir mis en scène une pièce de théâtre qu'il aura filmé. Mais l'existence de ses personnages tourne autour des mots jusqu'à avoir élevé ceux-ci au-dessus de l'expérience de la vie elle-même. Un personnage, véritable intrus dans ce milieu constitué d'universitaires érudits, remarque avec exaspération que ça parle plus de cul que ça ne le pratique autour de cette table où chacun tente d'avoir le dernier mot.

Les dialogues ouvertement littéraires d'Arcand ne plairont pas à tous et peuvent sembler peu crédibles aux premiers abords, mais cadrent parfaitement avec ces personnages dont la pensée est presque encombrée par la réflexion intellectuelle. Les déboires amoureux des protagonistes du Déclin sont presque tous le fruit de conflits de définition. Film sur l'individualisme et sur les relations amoureuses qui en découlent, Le déclin de l'empire américain présente l'amour comme un jeu de pouvoir dont les anicroches et les coups bas amusent ces hommes et ces femmes en quête de bonheur et de sensations fortes qui étalent leur culture aux autres tel un trophée de chasse distingué. Car malgré leurs doctorats, ces universitaires distingués sont souvent des êtres de surface. Chose que l'on reproche parfois au film alors qu'il s'agit carrément de l'un de ses thèmes.

Et le fameux déclin du titre, dans tout ça, sert presque de prétexte à cette comédie de moeurs souvent plus humaine que sociale. Le personnage de Louise Portal va même en guise de mise en situation jusqu'à rire des bons vieux clichés du thème: "N'importe quoi! Désintégration sociale, dégénérescence des élites. The usual." On pourra éternellement débattre de la valeur réelle du plus grand succès international de l'histoire du cinéma québécois, mais cette réaction polarisée au film d'Arcand prouve à tout le moins que le réalisateur avait touché un nerf sensible et réussit à provoquer les cinéphiles d'ici et d'ailleurs. Le débat se poursuit mais la conclusion demeure la même; Le déclin de l'empire américain est l'un des essentiels de notre cinématographie nationale qu'on l'aime ou non.




Version française : -
Scénario : Denys Arcand
Distribution : Rémy Girard, Pierre Curzi, Louise Portal, Dorothée Berryman
Durée : 101 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 29 Juin 2005