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DAYTONA (2005)
Amerika Orkestra

Par Jean-François Vandeuren

Le « spring break » aux États-Unis a pris une telle ampleur depuis la fin des années 90 que le phénomène a finalement trouvé le moyen de traverser les frontières et faire saliver bon nombre de jeunes québécois désireux de vivre la débauche la plus insensée de leur courte existence. Il faut dire que l’image la plus souvent présentée de cet événement peut en être une des plus alléchantes. De réputation, la ville de Daytona en Floride serait plongée chaque année en mars dans un continuel esprit de décadence baignant sans retenue dans le sexe, la drogue et l’alcool. Mais en vérité, que sait-on réellement de toute cette mascarade si on ne l’a jamais vécue? Le collectif montréalais Amerika Orkestra s’est donné pour mission avec ce documentaire de nous faire connaître les dessous de cette relâche « made in USA ». La troupe de cinéastes accompagna ainsi une dizaine de jeunes vacanciers partis à Daytona pour prendre part aux célébrations. Mais plutôt que de se retrouver dans un nouvel épisode de Loft Story, ces derniers se heurtèrent plutôt à une profonde désillusion lorsqu’ils réalisèrent qu’ils ne pourraient assouvir leur soif de sensations fortes comme ils l'avaient imaginé.

Bien que plusieurs seront naïvement tentés d’étiqueter le film de la sorte, Daytona ne forme évidemment pas le portrait le plus représentatif de la jeunesse québécoise d’aujourd’hui. L’effort illustre malgré tout, à travers ses principales préoccupations, une esquisse marquante, voire démoralisante, du groupe dont il fait état. D’une part Amerika Orkestra démontre d’une façon très directe que le fameux rêve américain possède encore une certaine notoriété pour ces jeunes d’ici qui continuent de voir le succès dans le 9 à 5, la famille modèle et la jolie maison de banlieue. Un des individus présentés dans Daytona ira même jusqu’à renier ses souches francophones au nom de l’anglais et des États-Unis, qui symbolisent pour lui la réussite et le dépassement. Alors que les Québécois, toujours selon lui, ne font que se contenter de ce qu’ils ont. Il faut dire que la plupart des participants de ce documentaire semblent fortement influencés par divers produits de la culture américaine, notamment par la navrante tangente commerciale de la culture hip-hop. Le collectif remet toutefois les pendules à l’heure avec fougue en soulevant que la plupart des États-Uniens sont eux-mêmes incapables d’assumer ou d’accéder à cette image de liberté et d’excès qu’ils véhiculent par le biais des médias d’une manière souvent sexuelle. Du coup, ces derniers abandonnent notre dizaine d'individus à un désolant retour à la réalité, eux qui croyaient pouvoir vivre sans restriction ce rêve bien illusoire.

Amerika Orkestra présente également un flair visuel étonnant, faisant de ce Daytona une création à la fois inspirée et stylisée. Le groupe se risque d’ailleurs à plusieurs reprises à laisser une série d’images fort singulières illustrer de façon concrète ou métaphorique la situation à laquelle leurs sujets sont exposés. Le problème par contre est que cette initiative a tendance à déborder et engourdit parfois l’effort autant dans sa force de frappe que son objectivité. Daytona suscite malgré tout une forte réponse émotionnelle. Celle-ci s’alimente principalement de superbes montées dramatiques digne de Requiem for a Dream et d’une toile de fond particulièrement mélancolique bercée par une surprenante trame sonore post-rock signée Les Chiens. Mais le tout devient cependant quelque peu redondant. L’effort se concentre en ce sens beaucoup trop longtemps sur certains cas sans avoir nécessairement quelque chose de plus à dire. Un point qui appuie évidemment le caractère risiblement limitatif du « spring break » présenté par le film, mais qui empêche aussi celui-ci d’aller plus loin.

Daytona aurait également gagné à faire un portrait plus approfondi de ses différents protagonistes. Quelques uns d'entre eux finissent d’ailleurs par n'être qu’accessoire à la cause du film. La finale pour le moins abrupte, même si fort à propos vu les circonstances, laisse derrière elle plusieurs interrogations et idées auxquelles il ne manquait qu’un peu plus de chair autour de l’os. Il en ressort néanmoins un documentaire fort réussi illustrant sans merci tout le pathétisme de cette entreprise, mais qui rate au passage plusieurs chances de rendre ce portrait peu flatteur de l’influence aussi dangereuse qu’hypocrite des Américains sur la nouvelle génération plus percutant qu'il ne l'est déjà.




Version française : -
Scénario : Amerika Orkestra
Distribution : Fortin, Jack, Jessica, Phil, Jo, Sébas, Dan, Frank
Durée : 87 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 16 Avril 2006