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UN CRABE DANS LA TÊTE (2001)
André Turpin

Par Frédéric Rochefort-Allie

Au Québec, que très peu de réalisateurs proviennent de régions extérieures à Montréal et Québec, et c'est compréhensible car toutes les activités culturelles ou presque se déroulent dans ces deux villes. À la différence de plusieurs, André Turpin est un cinéaste provenant de l'Outaouais, donc de la même région que Philippe Falardeau. Si chaque artiste possède un style qui lui est propre, l'univers dans lequel il grandit joue aussi largement sur cet aspect. Preuve en est, Un crabe dans la tête et La moitié gauche du frigo sont probablement parmi les films québécois les plus originaux des dernières années.

Alex (David La Haye) est un jeune homme qui vit selon la philosophie hédoniste, multipliant ses conquêtes et incapable de dire non. Mais un jour, pris entre deux avions, il réalisera que ce mode de vie ne fait pas toujours le bonheur de tout le monde.

Comme son personnage principal, Un crabe dans la tête cherche à plaire tout en sortant des sentiers battus. N'étant pas construit sur les moules traditionnels, le scénario d'André Turpin divague un peu ici et là, mais tout en gardant à la base une grande lucidité. C'est ce qui donne cet aspect marginal au film de Turpin, car il partage un peu cette quête de sens du protagoniste. Si le cinéaste fait preuve d'humour et d'originalité dans ses dialogues et l'essence de ses personnages, c'est surtout la maturité de sa philosophie sur la vie qui vient frapper et créer la résonance nécessaire à un projet si trouble. Loin d'être la prétention du film d'André Turpin, le film fait un portrait assez frappant du Québécois actuel en quête d'identité, par son fameux crabe qui dévore la tête. Cette métaphore absurde veut démontrer que l'homme qui ne peut dire non se fait tranquillement dévorer. C'est une image très forte mais qui devient quelque peu redondante lors de sa troisième apparition.

Avant d'être ce scénariste quelque peu étrange, André Turpin est avant tout l'un des plus talentueux directeur photo de toute l'histoire du cinéma québécois. D'Un 32 août sur terre à Maëlstrom, il aura marqué notre esthétique actuelle. Chez Un crabe dans la tête, l'ensemble du film est soigneusement léché. Le réalisateur fit quand même école en partie dans le monde des clips et c'est une expérience qui laisse une marque dans le style de Turpin. Sa réalisation est vive et rafraichissante et fait aussi preuve d'une grande sensibilité dans plusieurs scènes. Un cinéaste à surveiller, s'il en vient un jour à recréer.

Mais sans David La Haye, le film perdrait son âme. L'acteur a trouvé une façon vraiment particulière d'interpréter Alex, un brin de folie qui le sépare des personnages qu'il a pu jouer dans le passé. Loin du trisomique de L'enfant d'eau, qui reste même à ce jour la performance la plus crédible et la plus marquante de l'acteur, les deux personnages partagent une forme de naïveté, mais dans le cas du «crabe», c'est d'un niveau beaucoup plus subtil. Pour recréer l'impression de caméléon, David La Haye laisse énormément de place aux acteurs qui lui partage la vedette. Il partage énormément et mise particulièrement sur la chimie que développe Alex son personnage avec ses amis. C'est surtout son duo avec Isabelle Blais qui frappe. On perçoit déjà dans ce rôle secondaire une actrice avec énormément de potentiel, mais qu'on retient à l'état brut pour les besoins de la cause.

Bref, le cinéma québécois prouve encore une fois qu'il est loin d'être mort et qu'en fait, derrière les suites aux Boys, les remakes de romans du terroir, de films des années 50 et l'obsession de faire le film au plus gros budget, se trouvent des créateurs qui n'ont pas peur de leur marginalité et qui l'exploitent pour nous offrir des longs-métrages intimes, sensibles et lucides à propos de notre société actuelle. Ce n'est pas sans raison que le film a dépassé notre territoire dans son rayonnement. Qu'on soit Québécois, Français ou Américain, il semble qu'il n'y ait pas que la belle province qui ait son crabe dans la tête!




Version française : -
Scénario : André Turpin
Distribution : David La Haye, Isabelle Blais, Emmanuel Bilodeau, Chantal Giroux
Durée : 102 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 29 Juin 2005