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COMMENT MA MÈRE ACCOUCHA DE MOI DURANT SA MÉNOPAUSE (2003)
Sébastien Rose

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Un père absent, une mère castratrice: le pauvre Jean-Charles (Paul Ahmarani), charmeur invétéré de trente ans toujours prisonnier d'une cellule familiale oh combien imperméable, tente désespérément de terminer une thèse qui n'arrive jamais à terme lorsqu'il rencontre la belle Cassandre (Lucie Laurier). C'est l'amour fou et instantané, de quoi lui faire oublier la psychanalyste qu'il consulte et culbute depuis dix ans déjà (Anne-Marie Cadieux) et les conquêtes éphémères qu'il collectionne à un rythme effréné depuis qu'il est tout jeune. Mais voilà qu'une mère dont le féminisme exacerbé frôle le fascisme sexuel (Micheline Lanctôt) refuse à l'élue de son coeur l'accès à cet environnement hermétique qu'elle entretient en concordance avec les enseignements de Sun Tzu. Cultivant un humour freudien et oedipien que n'aurait pas renié Woody Allen, le premier film du réalisateur québécois Sébastien Rose s'avère une comédie romantique fort réussie doublée d'une étude amusante de la condition masculine dans le Québec d'après la révolution féministe.

Comment ma mère accoucha de moi durant sa ménopause nous fait découvrir un jeune réalisateur fort prometteur en la personne de Rose ainsi qu'un scénariste somme toute capable de définir le juste équilibre entre l'accessibilité et l'élaboration d'un propos digne de ce nom. Son film sonde les eaux troubles de la comédie romantique sans tomber dans le piège du moule américain convenu à l'extrême. À savoir s'il en découle un véritable film d'auteur, il faudra pour le savoir attendre que le réalisateur confirme son talent avec un second long-métrage. Mais l'excentricité parfois truculente des personnages qu'il nous présente ici laisse entrevoir un réel souci de la recherche dans sa démarche d'écriture. Non seulement rencontre-t-on cette mère un peu folle qui lit Le Prince de Machiavel à ses enfants avant d'aller se coucher le soir, mais aussi le rasoir d'un Patrick Huard surprenant en macho rose post-moderne qui vient s'immiscer dans cette famille peu conventionnelle pour finir dans le jardin tel un vulgaire chien.

C'est une distribution truffée de bonnes décisions qui est ici assemblée pour notre plus grand plaisir, livrant avec entrain un texte parsemé de répliques savoureuses. On pourrait certes reprocher aux dialogues de Sébastien Rose de manquer quelque peu de naturel de temps à autre, mais ils cadrent généralement avec le profil de ces personnages dont le plus important, Jean-Charles, est du genre à toujours trop intellectualiser la vie jusqu'à en transformer ses études universitaires en thérapie personnelle. D'où la comparaison à Woody Allen, d'autant plus que ce genre de mère capable de prendre d'assaut New York telle une King Kong psychanalytique démentielle n'est pas atypique pour le New-Yorkais.

On peut aussi détecter ici et là une influence de Jean-Claude Lauzon, surtout dans le ton des scènes se déroulant durant l'enfance de Jean-Charles. Mais avec un peu de chance, on vient peut-être de découvrir en la personne de Sébastien Rose un nouvel auteur à part entière pouvant mener à bon port un divertissement grand public tout en abordant du même coup des sujets intellectuellement stimulants. À une époque où l'on commence à parler le plus sérieusement du monde de la naissance d'un mouvement d'émancipation de l'homme, ce combat que livre Jean-Charles pour survivre dans un monde de femmes s'avère des plus intéressants. Cela dit, l'aboutissement tragique de son parcours en découragera plusieurs. Chassé de son rôle de père par une communauté féminine le jugeant inutile au bon développement de son propre fils, le voici condamné à devenir une figure absente au même titre que son propre paternel. Est-ce ce à quoi est réduit l'homme moderne? Pour une petite comédie romantique sympathique, Comment ma mère accoucha de moi durant sa ménopause arrive à soulever plus d'une question. Réussi.




Version française : -
Scénario : Sébastien Rose
Distribution : Micheline Lanctôt, Paul Ahmarani, Lucie Laurier, Sylvie Moreau
Durée : 99 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 4 Avril 2005