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COLLATERAL (2004)
Michael Mann

Par Jean-François Vandeuren

Dès les premiers instants, Collateral affiche déjà des couleurs qui ont tout pour nous mettre en confiance. Il n’y a pas encore deux minutes d’écoulées que Michael Mann arbore déjà sa routine esthétique habituelle de laquelle il ne semble avoir rien perdu et on plonge avec joie dans ce Los Angeles savamment dépeint par le biais d’une caméra à l’épaule dominante et des plus efficaces. Mann tente ici de se relever du succès mitigé de son injustement sous-estimé drame biographique et sportif Ali avec un suspense se déroulant dans un univers urbain décadent traité avec un réalisme des plus saisissant. Du moins, c’est le cas pour une partie du film.

Nous sommes donc invités à côtoyer dans un Los Angeles nocturne, mais toujours bien éveillé, la tournure inattendue et surement pas voulue que prendra le parcours d’un chauffeur de taxi qui deviendra bien malgré lui le chauffeur privé d’un tueur à gages ayant une liste de têtes à faire tomber en un lapse de temps restreint. Visiblement troublé, l’otage de ce businessman tout ce qu’il y a de plus légitime essaiera tant bien que mal de faire la part des choses et cherchera un sens à des actions qui, aux dires de son assaillant, n’en ont pas forcément besoin. Ce sont d’ailleurs ces scènes qui retiennent le plus l’attention dans Collateral, à l’opposée des moments où un Tom Cruise grisonnant se déchaine dans son unique rôle de personnage sanguinaire depuis son interprétation tout aussi digne de mentions dans Interview with the Vampire.

Dans son discours, le scénario de Stuart Beattie joue d’une certaine finesse en forçant une réflexion traitant en majeure partie de l’importance et de la mise en perspective des actions et de la dénonciation de la décadence d’un monde urbain et froid où des valeurs individualistes contagieuses auraient beau fait de nous éloigner les uns des autres à un point tel que la valeur de la vie en soi ne serait que poussière. Cette thématique est amenée à l’écran d’une manière plutôt surprenante par le personnage du tueur et comme un des exemples cités dans le film, si un homme peut mourir sur le trajet d’un métro et que malgré les milliers d’autres usagers utilisant ce moyen de transport et passant à proximité on ne s’aperçoit que de son décès que plusieurs jours plus tard, peut-on vraiment parler ici d’un comportement humain? En ce sens, pourquoi sommes-nous alors aussi choqués par une action aussi sordide qu’un meurtre? Le film est donc assez réussi sur le point de la substance et les scènes de dialogues ne sont pas là uniquement pour marquer une pause et s’enchaîne dans le récit aux côtés des moments plus typiques au thriller d’action d’une façon assez fluide. Collateral réussit hors de tout doute à élaborer une prémisse réaliste des plus satisfaisantes. Cependant, et c’est bien dommage, l’idée ne réussit pas à garder le cap jusqu’au générique. On sent un changement dans le traitement des évènements particulièrement à partir de la scène de l’accident et par la suite s’en suit un dernier tiers franchement trop facile et exagéré pour le bien du film.

Toutefois, il ne fait aucun doute qu’à l’opposée du scénario, la réalisation de Michael Mann tient la route jusqu’aux derniers instants. Le cinéaste se dévoile dans cette histoire comme le véritable maitre de cet environnement urbain et traite celui-ci d’une façon extrêmement efficace grâce entre autre à des plans serrés et nerveux rappelant fortement The Insider et plusieurs travellings aériens ingénieusement insérés. Mann affiche tout aussi bien une approche plus minutieuse lors des scènes de dialogues. On doit également une bonne partie des louanges à l’esthétisme de Collateral au directeur de la photographie Paul Cameron qui vient hausser d’un bon cran tout l’aspect réaliste de l’effort par l’entremise du numérique, une technique surement accueillie à bras ouverts par Michael Mann puisqu’elle ne peut qu’être un atout des plus bénéfiques à sa réalisation. Cependant, un autre élément vient nuire au traitement réaliste issue de la caméra de Mann et de la photographie de Cameron. Cette bévue se situe principalement au niveau de l’atmosphère de certaines scènes qui tend parfois à être créée d’une manière un peu trop imposée et ce, surtout par le biais d’un registre musical radiophonique qui ne se compare aucunement aux séquences où le film est à son meilleur en utilisant comme accompagnement sonore des pièces beaucoup plus ambiantes nous rappelant entre autre les moments les plus dramatiques de Heat et qui viennent réellement rehausser le symbolisme du monde urbain de Collateral.

La première impression que le film nous laisse en bout de ligne est celle d’un film incomplet. D’une première partie plus que satisfaisante, le film de Michael Mann nous amène par la suite vers des avenues un peu trop évidentes et forcées pour être en mesure de se terminer d’une façon aussi convaincante qu’il avait été amorcé. Il n’en ressort pas moins un suspense fort appréciable au discours bien pensé et qui vaut le déplacement simplement pour l’effort visuel implacable de Mann qui repousse d’autant plus les capacités prometteuses du traitement numérique. Ce qui est le plus décevant est que Collateral ne possède tout simplement pas l’étoffe de Heat ou The Insider, ce qui aurait pu facilement être le cas.




Version française : Collatéral
Scénario : Stuart Beattie
Distribution : Tom Cruise, Jamie Foxx, Jada Pinkett Smith, Mark Ruffalo
Durée : 120 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 18 Août 2004