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CINDERELLA MAN (2005)
Ron Howard

Par Louis-Jérôme Cloutier

Un certain groupe québéçois désirant jeter un clin d'oeil à un commentateur sportif bien connu s'exclame dans l'une de ces chansons que «personne, mais personne ne peut te battre mon Ron!». Un critique de cinéma pourrait reprendre cette citation pour jeter un clin d'oeil, plutôt sarcastique, sur Ron Howard dont les succès dépassent nettement le talent. Tellement que c’est lui qui sera en charge d’apporter sur les écrans du monde entier le méga-succès littéraire de Dan Brown, Da Vinci Code. Mais entre ce blockbuster à la gloire d’ores et déjà assurée et une sorte de western plutôt manquée, pourquoi ne pas tenter de gagner un Oscar encore une fois? En plus, ce cher Russell Crowe est encore de la partie, il ne manquerait pas de jouer dans un drame historique pour rien au monde, à moins que ce soit pour démolir une chambre d’hôtel à quelque part dans le monde. Le voilà donc dans la peau d’un homme qui a existé, on parle ici d’une histoire vraie, un récit de l’Amérique en pleine dépression et de l’homme qui se battait sur le ring pour elle. Après Seabiscuit, Universal récidive avec un film qui en porte plusieurs traits, dont l’époque et le propos, et qui rêve de se glisser éventuellement dans les choix de l’Academy Awards qui n’oublie jamais un film de l’été; car il en faut bien un pour éviter de monopoliser l’automne.

Cinderella Man est l’histoire de Jim Braddock, un honnète travailleur de la classe moyenne américaine et ancien champion de boxe et qui maintenant peine à survivre en pleine dépression économique. Cependant, il défait par surprise un aspirant champion dans un match qui devait être son dernier, annoncant un retour de sa carrière qui le mènera jusqu’à un match décisif contre le champion des poids lourds Max Baer, un boxeur dangereux ayant déjà tué deux hommes sur le ring.

D’entrée de jeu, il faut mentionner que Cinderella Man ne pourrait être un film plus américain. On y retrouve de façon imposante les grandes valeurs de cette nation et une glorification de la middle class au profit des bourgeois qui, en pleine crise économique, sont à peu près tous montrés avec une connotation négative. Les véritables Américains se retrouvent donc dans les rues de New-York, travaillant d'arrache-pied pour joindre les deux bouts. Film à très grosse saveur idéologique, Cinderella Man, contrairement à Seabiscuit, exploite à fond le contexte de son histoire. On y suit presque tout autant la misère de Braddock dans sa vie personnelle et la société dans laquelle il évolue que sa carrière de boxeur. On nous refile par le fait même certaines valeurs véhiculées par le héros qui sermonne son fils ayant volé un salami chez le boucher. Même si la famille est presque en famine, Braddock rappelle à son rejeton qu’il ne faut jamais voler, peu importe la situation. Et à un autre moment, il sermonne à nouveau, sa femme cette fois, qui vient de placer leurs enfants ailleurs. Pour lui, tout cela serait signe de leur échec personnel. Et autres démonstrations idéologiques provenant de la part de notre héros, il rembourse l’argent qu’il a reçu de l’aide sociale une fois que ses revenus de boxeur le permettent en se livrant par la suite devant les journalistes de la presse sportive à un autre sermon.

Bref, si tout cela n’a rien de bien méchant en tant que tel, il devient franchement agaçant que le scénario d’Akiva Goldsman ne cesse d’accumuler les discours inspirants sur les valeurs défendues par les travailleurs de la middle class. Car tout le film leur est réservé, ce sont eux qui soutiennent Braddock dans son combat, ils sont les véritables héros du film. Et pour nous convaincre de leur infinie bonté, les autres personnages qui n’entrent pas dans le champ du personnage principal, mais qui semblent plutôt être en opposition avec lui le sont radicalement. Ainsi, son adversaire Max Baer est presque présenté comme un démon venu de l’enfer face au bon Braddock. Voilà pourquoi Cinderella Man ne peut qu’être américain tellement il véhicule les valeurs de cette société, et tellement le récit est manichéen, indiquant une opposition constante entre deux entités.

Et tout cela parait finalement très peu inspirant pour ceux qui sauront prendre du recul, les discours moralisateurs apparaissent alors grossièrement abordés, et le fait que chacun des personnages semble vouloir se répliquer des citations mémorables agace franchement. Russell Crowe et Ron Howard sont égaux à eux-mêmes, ils offrent exactement ce que l’on croyait qu’ils allaient offrir. Le premier est efficace dans son rôle, l’autre l’est tout autant. Quoique Howard, tout en se permettant quelque jeu de caméra plutôt habile dont des transitions entre deux temps, est parfois maladroit. Par exemple, il fait appel à des effets numériques fort mal utilisés pour démontrer des blessures que reçoit Braddock durant ses combats. Une sorte de flash qui nous montre un bras ou des côtes comme vue par rayon X. Très très peu d’imagination de ce côté, car c’est le seul moyen qu’à trouver Howard pour nous faire part des blessures de Braddock à l’instant où il les reçoit.

Tout de même, les scènes de combats sont plutôt réussies et parviennent à reprendre ce que Raging Bull et Rocky ont fait auparavant. De plus, force est d’admettre que lors de ces séquences, on souhaite énormément, tout comme la foule, la victoire de Braddock. Impossible de ne pas s’y identifier, presque impossible de pouvoir résister à l’opération charme de Cinderella Man. Si bien que lorsque le héros gagne, on a presque envie de se lever pour applaudir devant son exploit, signe que Howard nous a bien eu. Mais la vrai belle surprise, c’est en Paul Giamatti qu’elle réside, tout fait excellent dans son interprétation très nuancée, à l’opposé de Renée Zellweger, qui semble davantage se battre pour une nomination dans un gala que pour donner souffle à son personnage.

Bref, Cinderella Man correspond de A à Z à ce qu’il devait être: un récit inspirant à l’américaine à des centaines de lieues de la subtilité. Mais on a peut-être, en bon québécois, «beurré» un peu trop puisque le film regorge littéralement de prises de positions idéologiques. La middle class américaine devrait sans doute jubiler devant cet effort, les autres auront eu un divertissement plutôt moyen. Un film pour convaincre ceux qui sont déjà convaincus, pour être apprécié par ceux dont l’appréciation est déjà acquise.




Version française : Cinderella Man
Scénario : Cliff Hollingsworth, Akiva Goldsman
Distribution : Russell Crowe, Renée Zellweger, Paul Giamatti, Craig Bierko
Durée : 144 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 16 Juin 2005