A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

THE CABINET OF DR. CALIGARI (1919)
Robert Wiene

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Plusieurs seront tentés par l'idée d'interpréter Le Cabinet du Dr. Caligari comme étant une vision prophétique du délire fasciste à venir pour l'Allemagne. Quelle oeuvre d'art allemande de l'entre-guerre n'en a pas le potentiel? Mais malgré les sombres connotations de cette fable lugubre sur la folie d'un homme obsédé par l'idée de ressusciter le passé, c'est surtout à titre de classique clé de l'expressionnisme allemand que l'on se souviendra du Cabinet du Dr. Caligari. Si le film de Wiene a marqué l'imaginaire collectif et secoué la toute-puissante industrie hollywoodienne de l'âge d'or à sa sortie en 1919, c'est surtout grâce à ses vertus esthétiques inoubliables. En effet, ce splendide Cabinet aura ébranlé même l'Amérique protectionniste de l'époque grâce à sa verve visuelle inimitable dont l'influence se ressent encore aujourd'hui de manière évidente sur l'oeuvre de Tim Burton ou encore des films néo-baroques de Werner Herzog.

En fait, c'est un travail de scénographie ahurissant qui demeure le point fort de ce prototype du cinéma d'horreur. Un mélange d'abstraction torturée et d'influences gothiques qui aura inspiré tant Dario Argento que Marilyn Manson mais demeure pourtant à ce jour une matérialisation quasi inégalée des dédales de la folie et de la paranoïa. S'il ne s'avère pas l'égal de la légendaire première moitié du Faust de Murnau et bien qu'il fasse pâle figure au niveau des réflexions qu'il pose lorsque comparé au chef-d'oeuvre rétro-futuriste de Fritz Lang Métropolis, Le Cabinet du Dr. Caligari demeure probablement le représentant le plus connu de cette fameuse vague expressionniste allemande qui perdure jusqu'à plus ou moins 1930. Après tout, le film de Wiene demeure une première en son genre. Certains citeront certes Le Golem de Paul Wegener comme une influence directe sur le célèbre Caligari.

Toutefois, c'est ce Cabinet qui établit les grandes lignes de l'école stylistique en question: des éclairages fortement contrastés, des décors peints à la géométrie cauchemardesque, des interprétations volontairement caricaturales ainsi qu'une sensibilité onirique remarquable. Si le fameux Dr. Caligari s'avère une figure monstrueuse à souhait, c'est sans doute le somnambule Cesare, père d'Edward Scissorhands et prédécesseur de Nosferatu avec lequel il partage ses traits vampiriques, qui vole la vedette avec sa démarche désincarnée de zombie. Victime d'être une menace malgré lui, c'est le monstre expressionniste par excellence. Il est impuissant, sans mauvaises intentions, mais sinistre et dangereux.

Dès lors, il devient à la fois l'objet de notre pitié et de notre crainte. Un maitre manipulateur se cache derrière ses méfaits, mais cette menace qu'il représente demeure bien réelle. Le climat de l'ensemble est glauque et morbide voire même halluciné comme le souligne ces fréquents changements de teinte qui viennent ponctuer le film. Les rues sont des labyrinthes tortueux et les foires publiques ces délires d'absinthe carnavalesques que l'on crée en écoutant Tom Waits. Sans être l'apogée du mouvement expressionniste, ce Cabinet en établit avec force l'esthétique et les lubies thématiques.

Comme bien des classiques du cinéma primitif, c'est surtout au niveau du scénario que Le Cabinet du Dr. Caligari révèle son âge. Cette trame narrative simpliste, exploitée par la suite avec autrement plus de richesse, demeure un peu limitée selon les standards d'aujourd'hui. Reste l'abondance de symboles dont regorge ce paysage abstrait déroutant et envoutant pour soutenir le tableau expressionniste de génie qu'ont peint Wiene et son équipe. En fait, Le Cabinet du Dr. Caligari est un chef-d'oeuvre d'art visuel qui a aussi dans ses temps libres marqué l'histoire du cinéma. À une époque où la compétition entre productions hollywoodiennes se limitait à savoir qui aurait le décor le plus démesurément grand, Le Cabinet du Dr. Caligari aura rappelé à tous l'importance de l'originalité et de l'imagination. Encore aujourd'hui, le film de Wiene brille dans ces départements et envoute là où les productions épiques auxquelles il se mesurait nous endorment malgré leur mégalomanie luxuriante.




Version française : Le Cabinet du Dr. Caligari
Version originale : Das Kabinett des Doktor Caligari
Scénario : Hans Janowitz, Carl Mayer
Distribution : Werner Krauss, Conrad Veidt, Friedrich Feher, Lil Dagover
Durée : 52 minutes / 71 minutes
Origine : Allemagne

Publiée le : 20 Septembre 2005