A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

BREAKING AND ENTERING (2006)
Anthony Minghella

Par Jean-François Vandeuren

La firme d’architectes dirigée par Will Francis (Jude Law) et son associé vient d’hériter d’un important projet de réaménagement urbain au cœur d’un quartier peu nanti de Londres. Afin de faciliter les travaux, les deux hommes d’affaire décidèrent d’installer leurs locaux à proximité de cet arrondissement affichant un taux de criminalité particulièrement élevé. Ce qui devait arriver arriva : l’entreprise devint la nouvelle cible de choix de petits voleurs qui savaient visiblement comment pénétrer à l’intérieur des lieux avant même que la firme ait fini de s’y installer. Devant l’inefficacité des policiers en charge de l’enquête, Will décidera de retrouver lui-même les responsables de ces délits. Sa piste le mènera jusqu’à un adolescent d’origine bosniaque vivant seul avec sa mère (Juliette Binoche). Mais plutôt que de mettre la main au collet du jeune voyou, l’architecte infiltrera ce milieu dont il doit assurer l’avenir, mais dont il ne connaît aucunement le langage. Une situation reflétant étrangement sa vie de famille pour le moins tumultueuse. Une chaîne d’événements le pousseront alors à générer une petite tempête autour de lui dans l’espoir de retrouver l’harmonie par la suite.

Anthony Minghella est un de ces cinéastes qui sait précisément quels éléments mettre en valeur et, surtout, de qui s’entourer pour rafler quelques nominations lors d’une certaine cérémonie se tenant chaque année quelques semaines avant la fin de l’hiver. Le problème par contre est que le réalisateur est devenu quelque peu prisonnier de son propre savoir-faire. Minghella n’a en soi aucune difficulté à rendre palpable l’ampleur dramatique de récits tout aussi consistants sur le plan psychologique. Mais ce dernier finit bien souvent par étouffer ceux-ci d’une mise en scène un peu trop rigide. Chose certaine, Minghella ne récoltera pas beaucoup de statuettes pour ce Breaking and Entering. En revanche, ce nouveau venu dans la filmographie du cinéaste britannique propose tout de même un certain vent de fraîcheur permettant à la mise en scène de ce dernier de respirer davantage. Le présent effort vibre ainsi au rythme de délicates ambiances urbaines que le réalisateur utilise pour laisser ses images parler d’elles-mêmes. Le cinéaste signe du coup une facture visuelle moins chargée témoignant parfaitement du fouillis dans lequel s’enfonce ce monde infiniment fractionné dont il tente tant bien que mal de recoller les morceaux.

Breaking and Entering s’alimente en soi d’un discours fort adroit prônant la tenue d’un dialogue entre deux partis en conflit plutôt qu’une prise de position rapide et irréfléchie. Minghella fait d’ailleurs part d’une belle sensibilité dans la manière dont il se sert des différentes sources de tension avec lesquelles ses protagonistes doivent apprendre à composer pour nous inciter à ne pas juger leurs actes avant d’en avoir saisi toutes les nuances. Une leçon que devront également apprendre les personnages de son film et qui s’avère d’autant plus pertinente à une époque où l’on nous incite à rester constamment sur nos gardes face à tout et à rien. Le film d’Anthony Minghella dépeint ainsi une situation pour le moins ambiguë où différents groupes sociaux et culturels s’entrechoquent tout en cherchant instinctivement à défendre leurs intérêts par n’importe quels moyens. Breaking and Entering réussit du même coup à extérioriser certains préjugés de son public avec une désarmante simplicité, exposant celui-ci à une série d’actions qu’il jugera aussitôt inévitable avant de les résoudre sans fournir la moindre explication, amenant alors le spectateur à réévaluer sa position face aux protagonistes, voire à simplement leur accorder le bénéfice du doute.

La morale de Breaking and Entering est donc fort simple : même si l’être humain peut parfois agir d’une manière peu reluisante pour protéger ses arrières, celui-ci demeure malgré tout essentiellement bon. Une idée que le cinéaste britannique n'édifie toutefois pas de façon naïve et moralisatrice. Celle-ci guide plutôt ses personnages vers une sérieuse remise en question de leur vie personnelle et de la manière dont ils jonglent avec les différentes sphères de leur quotidien. Le cinéaste britannique se montre également plus patient derrière la caméra, arrivant même à s’effacer le temps venu pour permettre à son scénario d’évoluer d’une façon un peu plus naturelle. Minghella imprègne alors superbement les formes urbaines de son récit de la poésie émanant de ses dialogues, lesquels semblent appartenir à une entité bien distincte tout en s’adaptant parfaitement au ton plus décontracté privilégié ici par le réalisateur. Ce dernier rassembla également une sublime distribution qui lui donna l’occasion de renouer avec Juliette Binoche et Jude Law et de réaffirmer la grande chimie s’opérant entre les deux partis. S'il est vrai que le cinéaste coupe malheureusement les coins un peu trop ronds en toute fin de parcours, ce dernier signe néanmoins une œuvre enivrante qui, sans être majeure, énumère avec tact et intelligence les valeurs d’honnêteté, de respect et de confiance découlant de chacune de ses résolutions de conflit.




Version française : Par Effraction
Scénario : Anthony Minghella
Distribution : Jude Law, Vera Farmiga, Juliette Binoche, Robin Wright Penn
Durée : 120 minutes
Origine : Royaume-Uni, États-Unis

Publiée le : 15 Mars 2007