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BREACH (2007)
Billy Ray

Par Jean-François Vandeuren

L’imposture et la trahison semblent être devenues les nouveaux thèmes de prédilection de Billy Ray. Après s’être intéressé à certaines failles dans le traitement de l’information par les médias avec son fort adroit Shattered Glass, Ray plaça la barre un peu plus haute cette fois-ci en rapportant l’un des cas d’espionnage interne les plus importants de l’histoire des États-Unis. Le cinéaste américain revisite ici l'affaire Robert Hanssen (Chris Cooper), un agent du FBI qui alimenta les services secrets russes et soviétiques en informations stratégiques et militaires pendant plus de vingt ans. Bien résolue à mettre un terme aux activités d’Hanssen, l’organisation mettra tout en oeuvre pour le forcer à commettre l’ultime faux-pas dont il ne pourra s’échapper. La tâche de mener cette enquête pour la moins délicate revint à Eric O’Neill (Ryan Philippe), une jeune recrue cherchant à faire ses preuves afin d’obtenir le statue très convoité d’agent. O’Neill devra alors rapporter le moindre élément incongru dans le travail d’un homme pourtant respecté de tous et dont l’amour pour sa patrie et sa foi envers Dieu ne sont plus à prouver. Deux éléments qui, au pays de l’Oncle Sam, seraient normalement suffisants pour vous écarter de tout soupçon.

Ce qui est frappant dans la façon dont Ray traite ce genre d’histoire est que le réalisateur n’utilise jamais vraiment les bases de son récit dans le but de générer du suspense. Il faut dire que ces mécanismes devant ordinairement munir un tel scénario de quelques situations corsées finissent souvent par séparer les principaux personnages en deux catégories diamétralement opposées. Hors, une telle situation n’est jamais aussi simple dans la vraie vie. Alors que Ray faisait tout dans Shattered Glass pour que nous prenions la défense d’un protagoniste constamment acculé au pied du mur, le cinéaste complique quelque peu les choses cette fois-ci en nous forçant dès la première séquence du film à nous méfier de Robert Hanssen. Pourtant, à mesure que progresse le récit et que les squelettes sortent du placard, Ray répète étrangement le même stratagème pour que ce personnage aux pratiques sexuelles peu honorables et au discours religieux et homophobe parfois repoussant tombe dans nos bonnes grâces en nous le présentant également comme un père de famille exemplaire et un travailleur dévoué. Ray exécute cette manoeuvre des plus habiles par le biais d’une mise en scène qu’il garde toujours à proximité de ses personnages. Si la facture visuelle de ce dernier ne passera sûrement pas à l’histoire pour son ingéniosité technique, elle présente néanmoins un cinéaste dont les élans s’avèrent beaucoup plus précis et maîtrisés et qui a étonnamment gagné à se rapprocher du modèle américain traditionnel.

Alors que Billy Ray proposait une superbe remise en question de la figure du fils d’un point de vue strictement paternel dans Shattered Glass, le cinéaste inverse complètement les rôles dans Breach. Ray s’attaque ainsi à une figure beaucoup plus rigide cette fois-ci tout en soulignant l’appartenance des deux principaux personnages à deux générations foncièrement différentes. La vision d’O’Neill sera donc appelée à changer à mesure qu’il fraternisera avec Hanssen. Ce dernier tentera du coup de parfaire son éducation d’une manière un peu plus stricte tout en lui inculquant le respect de soi et diverses valeurs religieuses fort discutables. La relation entre Hanssen et le spectateur restera toutefois toujours houleuse alors que celui-ci devra constamment jongler entre des sentiments de haine, de pitié et de respect à son égard, lui souhaitant autant de couler à pique que de s’en tirer sain et sauf. Le film nous laisse alors espérer qu’Hanssen réussira au moins à justifier ses actes en toute fin de parcours afin qu'il puisse au moins sauver la face à défaut de pouvoir sauver sa peau et sa réputation.

Comme pour le cas de duperie médiatique de Shattered Glass, Ray pose toutes les questions qu’un cas d’espionnage comme celui exposé dans Breach pouvait engendrer. Mais contrairement à son premier long-métrage, le présent effort ne répond jamais de façon nette et précise à toutes ces interrogations. Le plus près d’une réponse dont se rapproche Ray est lors d’une courte séquence où Hanssen parlera à O’Neill de son père et de la manière dont il lui mettait parfois des bâtons dans les roues pour le forcer à s’endurcir. De toute façon, une fois la menace isolée, nous en avons souvent que faire des raisons ayant pu motiver de tels actes. C’est d’ailleurs cette ligne de pensée qui finira par avoir raison du personnage brillamment interprété par un Chris Cooper au sommet de son art. Breach arrive également à un moment dans l’histoire américaine où se sont parfois les actions allant à contre-courant de ce que l’état définit comme étant patriotique qui le sont le plus en réalité. Il faut dire que les objectifs visés par Robert Hanssen avaient également une portée beaucoup plus large que les manigances purement égocentriques de Stephen Glass. Pour sa part, le cinéaste américain prouve une fois de plus sa grande habileté à traiter d’une façon terre-à-terre, mais néanmoins fort efficace, des enjeux sociaux et politiques d’une importance capitale sans jamais les ensevelir sous une inutile couche d’artifices.




Version française : Brèche
Scénario : Adam Mazer, William Rotko, Billy Ray
Distribution : Chris Cooper, Ryan Phillippe, Laura Linney, Caroline Dhavernas
Durée : 110 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 17 Avril 2007