A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

BEING JOHN MALKOVICH (1999)
Spike Jonze

Par Frédéric Rochefort-Allie

Chaque matin, comme des fourmis, nous nous levons, allons travailler, revenons à la maison sans véritablement voir une fin à ce cycle ad vitam eternam. N'avez-vous jamais rêvé de quitter votre univers quelques instants et devenir quelqu'un d'autre? Bien chez Lester Corp, ce désir devient réalité. Oui, devenez membre dès maintenant et vous pourrez accéder à l'esprit d'un acteur célèbre. Notre promotion de la semaine, l'acteur John Malkovich.

Alors que l'ex-marionnettiste Craig (John Cusack) débute dans la carrière de classeur de dossiers chez Lester Corp, le septième étage et demi de l'édifice lui offre d'intéressantes perspectives alors qu'il découvre une porte qui mène directement à l'esprit de John Horatio Malkovich (John Malkovich). Quoi de mieux pour arrondir ses fins de mois que de louer du temps à l'intérieur du cerveau d'un acteur? En particulier lorsque votre petite amie (Cameron Diaz) dirige un zoo modèle réduit à l'intérieur de votre propre appartement.

Véritable coup d'envoi pour Charlie Kaufman, la superstar des scénaristes, nul sait d'où proviennent ses idées tordues. Bien que chacun de ses films possède sa propre identité, on remarque comme chez le cinéma de Woody Allen que plusieurs thèmes sont récurrents. Comme cette fascination pour le cerveau, la prison et les dangers qui peuvent s'y receler ou l'échec amoureux. Kaufman y ferait-il donc un autoportrait dissimulé? Il faut reconnaître qu'il n'y a pas énormément de différences entre un scénariste et un marionnettiste. Dans les deux cas, le créateur tire les ficelles , doit littéralement devenir un personnage pour que celui-ci puisse s'animer. Si Craig donne des spectacles sur la rue, Kaufman travaillait dans l'ombre de plusieurs émissions de télévision. Dans les deux cas, le créateur est dégoûté par la torture de voir d'autres artistes obtenir de la notoriété par la facilité. On peut dénoter plusieurs comparaisons du même type entre les deux personnages. C'est d'ailleurs cet élément qui compose cette signature si unique de Kaufman. Ses personnages sont crédibles, humains, avec leur part de défauts. Toutefois, le rythme s'avère un peu lent dans son développement, mais les dialogues hilarants captent notre intérêt. Pour son incursion au grand écran, Kaufman frappe fort, très fort.

Travaillant majoritairement avec des réalisateurs de clips vidéos, on exclue ici Monsieur George Clooney, Kaufman débuta avec le réputé Spike Jonze, célèbre pour son clip Sabotage des Beastie Boys et sa fausse troupe de danse amateure dans le clip Praise You. Jonze, possédant une expérience similaire à son scénariste dans les longs-métrages, nous offre une réalisation originale, un look crasseux et sombre qui rappelle d'ailleurs vaguement le Brazil de Terry Gilliam. Nous sommes loin de l'utopie d'un monde rose bonbon. Jonze prouve sa force et son génie par ses représentations d'images totalement abstraites qu'il concrétise avec un humour noir particulièrement grinçant. Par exemple, le fait d'entrer dans la tête de quelqun d'autre. Si le projet était passé dans les mains d'un autre, doutons que ses visions seraient aussi marginales face au cinéma actuel. Des ébauches d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind sont d'ailleurs amorcées, sans en faire son intérêt principal.

Bien évidemment, quand un film se déroule dans la tête d'un acteur, il n'y a aucune surprise de l'apercevoir ici et là au fil de l'intrigue. Malkovich est le pilier des personnages. Son interprétation en tant que lui même le fait rayonner de charisme et de talent. Lui et John Cusack forment une paire, une unité coulée dans le béton, car leur personnage sont étroitement liés. Cameron Diaz, qui jusqu'alors jouait la femme fatale au QI aussi clair que le blond de ses cheveux, se révèle comme étant une grande actrice largement sous-estimée dans le milieu. Bref, de grandes présences à la hauteur de leur personnage coloré.

Somme toute, si c'est en forgeant qu'on devient forgeron, Jonze et Kaufman ont alors un don inné pour nous avoir pondu l'un des films les plus original des dernières années. Certains affirment que ce n'était au départ qu'un coup de pratique de la part de Kaufman, ce qui expliquerait les légères lacunes scénaristiques. Mais au bout du compte, cette oeuvre aura permi de relancer la carrière d'un acteur oublié. Comme dirait celui-ci : Malkovich, Malkovich Malkovich Malkovich ! Un film brillant mais légèrement inégal.




Version française : Dans la peau de John Malkovich
Scénario : Charlie Kaufman
Distribution : John Cusack, Cameron Diaz, Catherine Keener, John Malkovich
Durée : 113 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 4 Avril 2004