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THE AVIATOR (2004)
Martin Scorsese

Par Frédéric Rochefort-Allie

Chaque fois qu'un avion traverse d'un bout à l'autre le pays, qu'il se dirige près de la stratosphère, vous devez ces innovations à un seul homme : Howard Hughes. Au coeur des révolutions technologiques et artistiques, Monsieur Hughes est rapidement devenu l'un des hommes les plus importants de son époque. Il investissait corps, âme et compte en banque dans des projets jugés irréalisables, voir même impossibles. Son récit biographique était peut-être prédestiné à être porté au grand écran car Hughes évoque encore le rêve américain de richesse, de puissance et de succès. Ne serait-ce pas là l'essence même d'Hollywood ?

Après plusieurs années de sueur, Chistopher Nolan et Michael Mann (qui est ici producteur) se sont retirés de la course à l'adaptation de la vie de ce playboy américain. Le projet finit par aboutir, par l'entremise de l'acteur-producteur Leonardo Dicaprio, dans les mains de celui qu'on surnomme avec justesse "l'un des plus grands cinéastes de l'histoire encore vivant", Martin Scorsese. Après un retour plutôt contesté avec Gangs of New-York, plusieurs attendaient la résurrection du cinéaste. Nul n'aurait espéré un retour d'une telle vigueur. Son dernier film, qui représentait la fresque historique qu'il avait toujours rêvé de réaliser fut sévèrement détruit par un mauvais bouche à oreille. Désirant toujours toucher le cinéma par une oeuvre épique, il semble avoir trouvé chez The Aviator cette grandeur tant recherchée chez son projet non-aboutit d'Alexandre le Grand. Scorsese qui était pourtant relativement discret derrière des projets tels Kundun, fait ici dans la mégalomanie extrême. On y retrouve même une réinterprétation de "Toccata et Fugue en D mineur" de Bach par Howard Shore (The Lord of the Rings) pour évoquer l'exaltation d'Howard Hughes dans les airs. Tout est titanesque et imposant, et pourtant merveilleusement dosé afin d'éviter le ridicule. Scorsese éclipse, et de loin bien des réalisateurs en ce nouveau début de millénaire, signant sa meilleure réalisation depuis Raging Bull. Le maître se démontre une fois de plus un virtuose. Martin Scorsese se permet plus d'un hommage au cinéma. On y retrouve d'agréable clin d'oeil à certains de ses premiers films, comme The Big Shave ou à d'autres films plus célèbres comme Casino ou Taxi Driver. The Aviator semble étrangement être une synthèse de l'oeuvre du cinéaste. Le maître se permet aussi quelques références évidentes au célèbre Citizen Kane, autre récit à propos de la mégalomanie à l'Américaine. Certains surnomment déjà, avec une pointe d'humour, le plus récent film de Scorsese, Citizen Hughes. L'amour que porte le cinéphile Scorsese pour le cinéma Américain transparaît aussi dans la direction photo de Robert Richardson (Kill Bill 1 & 2, Casino, Platoon) qui utilise les techniques cinématographiques de l'époque illustrée, par exemple les débuts du technicolor. Ces techniques permettent au film de prendre une saveur nostalgique et d'augmenter la véracité des scènes, un peu comme l'avait d'ailleurs fait lui même Orson Welles. Scorsese arrive aussi à démontrer l'étendue de sa maîtrise du langage cinématographique par ces mêmes procédés, créant un film qui redouble d'ingéniosité.

Il est difficile d'incarner un homme ayant déjà existé, qui fut une icône dans la culture américaine. Leonardo Dicaprio, qui incarne Howard Hughes, n'en est plus à sa première expérience. Après avoir incarné Louis XIV, Rimbaud et Frank Abagnale, il semble que l'acteur soit maintenant au sommet de son art, tout à fait confortable avec ce défi de personnifier un homme plus grand que nature. Il offre dans The Aviator la performance de sa carrière. À la fois arrogant, séducteur et paranoïaque, Dicaprio évoque l'image du jeune Orson Welles dans Citizen Kane et confirme qu'il est bien le successeur de De Niro et Marlon Brando. Même charisme, même intensité et surtout même talent. Chaque geste est calculé, chaque intonation contrôlée et ce jusqu'à la finale et ses dernières secondes, où même la respiration du personnage est importante. Bien que chaque acteur soit remarquablement bon, il est à noter la performance frappante de Cate Blanchett, qui incarne de façon sidérante l'actrice Katherine Hepburn. Celle que certains on découvert dans Elizabeth ou la trilogie de The Lord of the Rings se fond sous les traits de son personnage. Le tandem Dicaprio-Blanchett ne trouve d'égal cette année que celui formé par Jim Carrey et Kate Winslet dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind.

John Logan, jeune scénariste dans le domaine, réussit avec The Aviator un scénario extrêmement riche et touchant, le type de film que Scorsese semble avoir cherché depuis au moins Goodfellas et Casino. II faut tout de même mentionner qu'il bénéficia de l'aide précieuse de nombreux scénaristes fétiches de Scorsese comme Paul Schrader (Taxi Driver) pour mieux cerner le but du film. Même si le film est plus fluide que Gangs of New York, il en demeure pas moins un peu lourd en contenu et c'est peut-être ce même rythme un peu lent qui empêche The Aviator de devenir le chef-d'oeuvre qu'il aurait du être. Néanmoins, The Aviator évite bien des pièges scénaristiques de Gangs Of New York, ce qui explique qu'il est d'ailleurs plus mémorable, plus sérieux et que ses messages sont plus évidents. Logan exploite différents thèmes selon les époques, passant de la superficialité d'Hollywood durant les années folles à la corruption du gouvernement et une critique de l'économie américaine pour illustrer l'après-guerre. Le scénario s'avance aussi tranquillement dans une folie paranoïaque qui finit par s'emparer du spectateur. The Aviator est peut-être lent, mais il n'y a jamais aucune longueur. Chaque moment est justifié.

Finalement, The Aviator n'est pas un bon film, il est admirable. Sous la réalisation méticuleuse et majestueuse de Scorsese et la performance impressionnante de Dicaprio, The Aviator est sans aucun doute un classique instantané et le meilleur film de Scorsese depuis Raging Bull. Sa réalisation fut rarement aussi vigoureuse. Nous n'aurions pu espérer plus beau cadeau de Noël. Comme le dit le vieux dicton : "The sky's the limit !".




Version française : L'Aviateur
Scénario : John Logan
Distribution : Leonardo DiCaprio, Cate Blanchett, Alec Baldwin, John C. Reilly
Durée : 169 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 1er Janvier 2005