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ART SCHOOL CONFIDENTIAL (2006)
Terry Zwigoff

Par Jean-François Vandeuren

Qu’est-ce que l’art? La réponse la plus facile et peut-être même la plus concrète à cette question avancerait probablement qu’il s’agit d’un moyen de s’exprimer et de partager avec le reste du monde nos impressions et nos préoccupations sur ce qui nous entoure par le biais d’une démarche créatrice plus ou moins abstraite. Mais, franchement, qu’est-ce que l’art? Sur quoi se base-t-on pour déterminer si l’œuvre d’un individu est grandiose ou non? Art School Confidential de Terry Zwigoff présente plusieurs hypothèses et réponses à toutes ces questions, mais ce ne sont peut-être pas celles que vous espériez si vous entretenez un quelconque désir de devenir un artiste un jour. Mettant une fois de plus en scène un récit de l’auteur de la bande dessinée Ghost World, Daniel Clowes, la nouvelle création de Zwigoff porte la signature morose et fade à laquelle il nous a habitués avec ses trois premiers longs-métrages. Le présent effort n'a donc rien pour déstabiliser les fans de longue date de l’univers du cinéaste américain, mais la formule n’a fort heureusement rien perdu de sa vigueur et de son cynisme corrosif.

Cette fois-ci, Zwigoff s’infiltre à l’intérieur d’une école d’art où Jerome (Max Minghella), un jeune aspirant peintre et dessinateur, espère voir ses efforts artistiques être enfin récompensés, voire l'aider éventuellement à conquérir le cœur de sa belle. Jerome se fera toutefois voler la vedette par Jonas et ses toiles enfantines de voitures sports et de chars d’assaut qui fascineront les autres étudiants et professeurs qui voient déjà en lui l’étoffe d’un « grand artiste ». Et il y a bien sûr ce mystérieux tueur en série qui rôde sur le campus depuis quelques mois. Ce dernier deviendra par contre beaucoup plus une source d’inspiration que d’effroi pour tous ces jeunes Picasso en devenir.

Après une brève incursion dans une forme de cinéma plus populaire avec son aussi adulé que contesté Bad Santa, Terry Zwigoff reprend là où il nous avait laissés au terme de son premier effort de fiction, Ghost World. Bien qu’il n’avait pas complètement mis de côté son humour mordant à souhait pour son troisième film à titre de réalisateur, tous les éléments sont à nouveau réunis ici pour permettre à Zwigoff de livrer un constat peu respectueux envers l'art et les États-Unis. Zwigoff ne lésine d'ailleurs jamais sur la méchanceté et le cynisme, tout en évitant de sombrer dans la farce de mauvais goût. Cette partie de l’Amérique qu’il dépeint en est une où les apparences ne parviennent plus à couvrir les échecs. Ses personnages sont monotones, blasés et déplaisants à mourir. Pour eux, le rêve américain n’aura été qu’un attrape-nigaud dont ils ne se sont jamais complètement remis.

Mais là où Art School Confidential devient particulièrement grinçant est lorsque Zwigoff et Clowes commencent à s’en prendre directement à l'art. Selon les deux cinéastes, une oeuvre n’est plus jugée désormais pour sa beauté esthétique ou son originalité. Tout peut être défini comme étant de l’art. Cela dépend seulement de qui se cache derrière une œuvre, ou plutôt, de l’image projetée par ce dernier ou la clique à laquelle il appartient. Un des personnages du film, un ancien diplômé de l’école d’art vivant dans un immeuble miteux à proximité, extraordinairement interprété par Jim Broadbent, résumera cette situation d’une façon assez vulgaire, mais néanmoins fort à propos. Alors, qu’est-ce que l’art?

En ce qui a trait à la réalisation, Zwigoff reste encore une fois fidèle à ses habitudes. Ce dernier propose une mise en scène basée sur une suite de plans statiques défilant à l’écran tels des cases de bandes dessinées. Le cinéaste prend d’ailleurs un malin plaisir à garnir de détails hilarants ses arrières plans comme il l’avait si brillamment fait dans Ghost World afin d'accentuer la force d’impact de son portrait peu flatteur des États-Unis. Portrait dont il extirpe toute la laideur tout en trouvant le moyen de la présenter de façon nuancée. Cette idée se fait également sentir dans la caractérisation des personnages qu’une distribution éblouissante s’amuse follement à rendre complètement ridicules. Le résultat valse ainsi à quelques occasions avec la parodie tout en conservant un ton tout de même sérieux d’un bout à l’autre. Les seules fautes apparentes se retrouvent au niveau du rythme où l’effort de Zwigoff prend parfois beaucoup trop les traits d’un enchaînement de situations à caractère épisodique dont la cohésion laisse parfois à désirer.

Pour sa part, l’histoire de meurtres assimile de façon surprenante la signature de Zwigoff et Clowes. Le suspense est évidemment réduit à son plus bas niveau, mais le caractère nonchalant de cette intrigue secondaire qui finit par ne plus en être une se fond avec aisance au reste du scénario de Clowes. Comme dans Ghost World et Bad Santa, Zwigoff ne rate pas une occasion de ridiculiser l’univers de son film en le rendant du coup aussi morose que désopilant. Il en ressort un effort peut-être pas aussi rafraîchissant que Ghost World, mais malgré quelques problèmes de cadence dans l’enchaînement du récit, Art School Confidential s’avère une autre belle réussite pour les deux artistes qui, espérons-le, collaboreront à nouveau dans un avenir rapproché.




Version française : -
Scénario : Daniel Clowes
Distribution : Max Minghella, Sophia Myles, Matt Keeslar, John Malkovich
Durée : 102 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 14 Mai 2006