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L'ANGE DE GOUDRON (2001)
Denis Chouinard

Par Alexandre Fontaine Rousseau

La scène sur laquelle aurait dû se terminer L'Ange de goudron est d'un cynisme grinçant : après avoir assisté à l'assaut sauvage d'un jeune militant par des officiers de la gendarmerie royale canadienne, nous traversons grâce à un lent travelling un groupe d'immigrants qui, venant tout juste d'obtenir la citoyenneté canadienne, entonnent faussement un pitoyable «Oh Canada». La caméra s'arrête sur le visage assombri d'Ahmed, patriarche de la famille Kasmi dont nous avons suivi les déboires. Dès cet instant, nous avons tout compris. Le film s'étire inutilement par la suite, alourdissant de quelques scènes superflues un drame social d'une grande puissance qui ne demandait qu'à se terminer élégamment. Heureusement, ce léger faux pas est trop mineur pour gâcher ce qui s'avère l'un des bons drames québécois «réalistes» des dernières années.

Lorsque nous les rencontrons, les Kasmi sont à quelques formulaires près d'obtenir le droit de résider au Canada de façon permanente. Mais Hafid, aîné de la famille, ne partage pas les paisibles aspirations de ses parents. Activiste acharné, il milite à l'insu des siens au sein d'un groupe anarchiste. Son père l'apprend par l'entremise d'un bulletin de nouvelles. C'est le visage de son fils aux images qu'ont captées les caméras de sécurité d'un bureau d'immigration ciblé par un attentat informatique. Peu à peu, Ahmed découvre la véritable vie que mène Hafid. Il rencontre la copine de celui-ci et, ensemble, ils partent à la recherche du jeune Algérien disparu.

L'immigration est l'une des principales préoccupations de l'oeuvre de Denis Chouinard. Centrale dans Clandestins, la question s'immisce même parmi les thèmes de son plus récent film Délivrez-moi. On pourrait argumenter qu'il s'agit du propos principal de L'Ange de goudron. Pourtant, ce second long-métrage s'affirme d'abord et avant tout comme étant un autre film québécois sur la famille. On en vient parfois à se demander s'il existe un autre sujet chez nous. Quoi qu'il en soit, L'Ange de goudron arrive à proposer assez de variations originales par rapport au moule habituel pour se distinguer de façon intéressante. Bien entendu, l'élément algérien vient changer la donne de façon notable en implantant une donnée culturelle nouvelle.

Cependant, c'est le thème de l'activisme qui retient l'attention plus que tous les autres dans L'Ange de goudron. Alors qu'un vent de mécontentement toujours plus insistant secoue la jeunesse d'ici, le lien unissant des parents recherchant le confort et la sécurité à leurs enfants prêts à tout pour remodeler la société à l'image de leurs idéaux est mis en danger. Les aspirations des uns et des autres ne se rejoignent plus, mais le rapport affectif qu'ils entretiennent demeure aussi intense et viscéral qu'auparavant. Le dilemme des personnages de L'Ange de goudron exprime à merveille ce conflit. Ici, l'impact des enjeux sociaux sur la vie personnelle des individus est étudié avec une belle sensibilité.

Ainsi, le thème de l'immigration est habilement intégré par le scénario de Chouinard. Oui, les Kasmi sont d'origine algérienne. Mais la situation à laquelle ils font face pourrait aussi bien chambouler l'existence d'une famille d'origine québécoise. Peu importe d'où l'on vient, nos problèmes sont les mêmes. Cette morale maintes fois répétée, bien sûr, a de quoi exciter le critique sceptique. Étonnamment, le réalisateur s'en tire très bien. Porté par une distribution en pleine forme, son film trouve le ton juste entre le drame classique et le road-movie. Qui plus est, L'Ange de goudron assène son commentaire social en évitant la mièvrerie ou l'intensité dramatique trop appuyée.

Se concentrant sur des personnages forts tout en travaillant à partir d'une histoire assez épurée pour fonctionner, L'Ange de goudron arrive à nous intéresser à son drame. Un peu trop classique pour se démarquer par sa facture visuelle ou par sa forme, ce deuxième film de Denis Chouinard touche à plusieurs débats de société sans sombrer dans la démagogie facile ou pire encore s'enliser dans l'absence de position claire. Au bout du compte, le père apprend des actions du fils et accepte le courage de celui-ci pour ce qu'il est. Le spectateur, pour sa part, applaudira celui de Chouinard qui ose ici un drame subtil, mais capable de s'affirmer. À voir!




Version française : -
Scénario : Denis Chouindard
Distribution : Zinedine Soualem, Hiam Abbass, Catherine Trudeau, Marc Beaupré
Durée : 100 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 26 Mai 2006