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AMEN. (2002)
Costa-Gavras

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Étant donné l'infinité de films s'étant penchés sur la question de l'Holocauste, on est en droit de se demander si ce nouveau long-métrage du réalisateur grec Costa-Gavras était absolument nécessaire. Toutefois, le controversé Amen. mérite amplement l'attention du public de par le fait qu'il se concentre sur une facette plus souvent qu'autrement gardée sous silence de ce terrible drame, soit la position complaisante du Vatican à l'égard du régime Nazi. Mais bien plus qu'une critique du comportement de l'Église catholique lors de la Seconde Guerre mondiale, Amen. dresse le portrait de deux hommes déchirés par les évènements, impuissants mais décidés à se battre jusqu'au bout pour défendre leurs convictions personnelles.

Le premier, Kurt Gerstein (Ulrich Tukur), est un officier SS en charge d'approvisionner les camps de concentration en Zyklon B, produit chimique utilisé dans les chambres à gaz. Le second, Ricardo Fontana (Mathieu Kassovitz), est un jeune jésuite dont la famille est très respectée par l'entourage du pape Pie XII, son père étant le conseiller de celui-ci. Lorsque Gerstein comprend à quoi sert le Zyklon B qu'il procure au régime d'Hitler et tente d'en avertir un cardinal allemand, il se heurte à l'hostilité de celui-ci, plus révolté par les différents financiers entre l'église et le gouvernement Nazi que par le sort que celui-ci réserve aux Juifs. Fontana sera toutefois plus sensible au cri d'alerte lancé par le lieutenant allemand.

Si la réalisation par ailleurs très classique de Costa-Gavras offre plusieurs moments forts, c'est surtout par la remarquable densité de son scénario qu'Amen. se distingue. Si le film n'est pas une reconstitution aussi frappante des camps de la mort que ne l'était Schindler's List, il présente une vision beaucoup plus nuancée du climat qui régnait en Allemagne à l'époque. De plus, le réalisateur réussit à illustrer les atrocités commises par les SS avec une économie de moyen tout à son honneur. La scène où des officiers allemands observent pour la première fois les effets du Zyklon B sur des humains est d'une retenue exemplaire qui témoigne merveilleusement bien de l'honorable pudeur dont fait preuve Costa-Gavras. Le public ayant de toute façon été en contact avec des images de ces horreurs à plus d'une reprise, les montrer à nouveau aurait témoigné d'une fascination morbide pour la souffrance quelque peu malsaine.

De toute façon, le film se concentre beaucoup plus sur la façon dont ces actes ont été passés sous silence au nom de la diplomatie que sur les actes comme tels. C'est l'énergie implacable avec laquelle le film s'attaque aux hautes sphères de l'Église catholique qui retient le plus l'attention, et avec raison. Le Vatican y est dépeint tel une monarchie décadente noyée dans le luxe, une bureaucratie insignifiante et complaisante dont la priorité n'est certainement pas le sort de l'humanité, trop aveuglée par sa lutte purement égoïste au communisme pour remettre en question les actes d'Hitler. Les Américains, pour leur part, semblent plus intéressés à gagner la guerre qu'à sauver les Juifs.

Ainsi, Costa-Gavras réussit avec son film à offrir une perspective nouvelle sur l'Holocauste qui, plutôt que d'accuser bêtement les Allemands de toutes les abominations commises durant la Seconde Guerre mondiale, partage le blâme entre tous ceux qui savaient ce qui se tramait et ont préféré jouer la carte de l'ignorance. Alors que Spielberg se faisait édifiant et sentimental à la fin de Schindler's List, Costa-Gavras nous offre une conclusion beaucoup plus sombre et teintée d'ironie qui laisse un gout amer en bouche. Une finale encore plus troublante lorsque l'on pense à tout ce qui se passe actuellement dans le monde alors que nous agissons quotidiennement comme si de rien n'était.




Version française : Amen.
Scénario : Costa-Gavras, Jean-Claude Grumberg
Distribution : Ulrich Tukur, Mathieu Kassovitz, Ulrich Mühe, Michel Duchaussoy
Durée : 132 minutes
Origine : France, Allemagne

Publiée le : 26 Juillet 2004