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25TH HOUR (2002)
Spike Lee

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Il ne reste à Montgomery Brogan qu'une dernière journée de liberté. La prison l'attend. Dans vingt-quatre heures, sa vie prendra une pause de sept ans. Sept ans s'écouleront sans qu'il ne soit maître de sa propre destinée. Comment en est-il venu à cela? Qui est responsable de cet enfer? Personne. Personne sauf Montgomery Brogan, qui s'apprête à vivre en compagnie de son père, de sa compagne et de ses deux meilleurs amis ses vingt-quatre dernières heures de liberté. Dès lors, il ne lui reste plus qu'à tout laisser en ordre. Question de partir en paix et de laisser derrière lui son passé de dealer de drogue un peu trop avare pour avoir abandonner à temps.

Sorti du ghetto auquel il doit sa renommée, Spike Lee n'oublie pas pour autant les thématiques qui ont fait de lui le plus grand des cinéastes afro-américains de son époque. L'amitié, la notion de responsabilité - rappelez-vous Do The Right Thing - ainsi que l'identité culturelle sont au coeur des films majeurs de Spike Lee. Et force est d'admettre que 25th Hour s'affirme comme l'un des sommets de la filmographie de l'auteur new-yorkais. C'est un film calmement puissant, confiant et foncièrement humain qui respire la maturité sans se réfugier dans un hermétisme placide. 25th Hour vibre d'émotions à l'état pur sans sombrer dans le sentimentalisme racoleur. Spike Lee y aborde une foule de questions profondes sans forcer la dose.

D'abord, une riche galerie de personnages bien esquissés est incarnée avec grande sensibilité par une distribution de haute voltige. Ensuite, il y a la réalisation de Spike Lee: musclée et franche, mais dont l'esthétique léchée est toujours au service du propos. Surtout, il y la vérité dont semble imbibée l'ensemble. Cette impression que dégagent les bons scénarios, celle que chaque personnage à l'écran agit non pas comme une créature d'encre couchée sur le papier mais comme un être de chaire et d'os.

La densité hallucinante de la scène centrale du film, celle de l'adieu à Monty se déroulant dans un club branché et surpeuplé, convie l'impression étouffante des moments charnières d'une existence humaine. Le flot du film de Lee imite celui d'un coup de dé. Une fois lancés, ceux-ci ne s'arrêtent plus jusqu'à ce que le sort en soit jeté. Chaque décision implique des répercussions. C'est la réflexion que soulève la situation de Monty et à laquelle fait écho l'idylle interdite entre le personnage de Philip Seymour Hoffman et celui d'Anna Paquin.

25th Hour fourmille de scènes fortes. Celle où Edward Norton se confronte, déversant à la chaîne toute sa haine et ses préjugés avant de faire face à la musique pour assumer la responsabilité pour son sort, frappe d'emblée par sa violente intensité. Une autre, où il s'échappe à l'aide de l'imagination en compagnie de son père, secoue par sa grande beauté. Pourtant, le film de Lee dépasse le stade du simple mélodrame larmoyant. Comment y arrive-t-il?

Ambitieux, Spike Lee aspire à ce que ce film soit un résumé de son oeuvre placée dans le contexte d'une Amérique nouvelle, encore bouleversée par les événements du 11 septembre 2001. On retrouve par l'entremise des personnages de Barry Pepper et d'Edward Norton cet archétype qui marque son cinéma, celui d'hommes qui tentent par tous les moyens d'échapper à la condition et aux stéréotypes associés à une identité culturelle donnée. En filigrane, le réalisateur se permet un autre hommage à sa ville natale; 25th Hour célèbre la diversité schizophrène de New York tout en critiquant chacun des éléments qui la constitue.

D'emblée, 25th Hour marque par la situation qu'il met en scène. L'efficacité de ce drame d'une intensité marquée repose bien entendu sur notre capacité d'empathie autant que sur ses forces intrinsèques. Mais Spike Lee y évite entres autres choses la noirceur abyssale et caricaturale, les excès zélés de morale prédigérée et les passe-droits psychologiques faciles. Avec 25th Hour, il rappelle que la liberté n'est pas exempte de responsabilités tout en soulignant la complexité des rapports humains. Son propos y est plus diffus qu'il ne l'était par exemple dans Summer of Sam, mais il épouse par le fait même la nature épineuse de l'expérience humaine. En ce sens, il s'agit d'un drame psychologique parfaitement abouti et remarquablement accompli.




Version française : La 25ième heure
Scénario : David Benioff
Distribution : Edward Norton, Philip Seymour Hoffman, Barry Pepper, Rosario Dawson
Durée : 135 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 7 Avril 2006