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Lockout (2012)
James Mather et Stephen St. Leger

Hors de contrôle

Par Jean-François Vandeuren
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, nous devons bien reconnaître les efforts que Luc Besson déploie chaque année pour défendre la place d’un certain cinéma de genre et d’action au coeur du cinéma populaire. Évidemment, à l’image de ce type de divertissements, le taux d’efficacité du cinéaste demeure en soi assez bas alors qu’une quantité considérable de productions ratées devront sortir des studios Europa Corp. avant que nous ayons finalement droit à un spectacle un peu plus mémorable. Le cinéma de ce Besson agissant désormais davantage à titre de producteur et de scénariste n’a jamais été une affaire de finesse, mais bien de force de caractère et d’exécution. Et comme le démontre le présent Lockout des nouveaux venus James Mather et Stephen St. Leger, les résultats peuvent se révéler abominables lorsqu’un titre ne bénéfice d’aucun de ces deux atouts pourtant essentiels à l’efficience d’une telle entreprise. « Basé sur une idée originale de Luc Besson », l’exercice nous transporte d’abord à Washington en l’an 2079. Nous serons alors introduits à un ex-agent de la CIA, Snow (Guy Pearce), tandis que celui-ci se fera brutalement interroger suite à une opération ayant horriblement mal tournée. Accusé d’un crime qu’il n’a pas commis, Snow sera aussitôt condamné à purger une sentence dans une prison à sécurité maximale gravitant en orbite autour de la Terre. Heureusement pour notre héros, ce dernier obtiendra une chance de se racheter aux yeux des services secrets - et de reprendre contact avec un complice à bord de la station spatiale - lorsque la fille du président des États-Unis (Maggie Grace) se retrouvera au coeur d’une prise d’otages à l’intérieur dudit centre d’incarcération après que les détenus aient réussi à en prendre le contrôle.

Évidemment, ce genre de divertissements ne demande généralement pas un très grand effort intellectuel de la part de son public. Et pourtant, Lockout démontre clairement dès sa séquence d’ouverture qu’il prend son auditoire pour de vulgaires imbéciles, allant jusqu’à indiquer textuellement à l’écran le nom des principaux personnages et les rôles qu’ils joueront dans l’intrigue prenant forme sous nos yeux. Les choses seront tout aussi abrutissantes lorsque l’action se transportera finalement entre les murs de cette fameuse prison spatiale alors que le chef des gardiens comme les prisonniers verront leur condition être indiquée en grosses lettres sur leurs habits respectifs. Des méthodes de caractérisation d’une rare fainéantise dont la stupidité finira également par déteindre sur les différents personnages, eux qui, par exemple, prendront la précieuse progéniture devant être secourue pour un médecin lorsque celle-ci se retrouvera par hasard avec un sarrau sur le dos. Une façon de faire plutôt lâche dont le recours n’a rien de vraiment surprenant, en particulier pour une entreprise étalant sans conviction les pires clichés propres au récit de héros solitaire - rappelant parfois le Escape from New York de John Carpenter - sans toujours avoir l’intelligence d’en assumer la bêtise. Une approche qui aurait pu au moins sauver cette productions aux aspirations somme toute assez modestes de la catastrophe vers laquelle elle se dirigera à vive allure dès ses premiers élans. Un échec résultant ici d’une écriture molle et paraissant par moments complètement désintéressée qui, malgré un contexte suffisamment inusité, ne présente aucune volonté de tirer profit de celui-ci pour tenter de surprendre davantage le spectateur, les trois scénaristes ne se contentant au final que d’exploiter leur mise en situation d’une manière aussi gauche que désincarnée.

Ce manque flagrant de prestance et de savoir-faire finira inévitablement par se refléter dans l’orchestration tout aussi peu rigoureuse des séquences d’action comme dans l’édification du suspense en soi. Le premier long métrage de James Mather et Stephen St. Leger se révèle du coup tout bonnement incapable d’installer et de soutenir un effet de tension moindrement engageant, résultat d’un scénario et d’une mise en scène ennuyeux ratant complètement la cible, et ce, autant sur le plan de l’intrigue que du spectacle. Il faut dire que la facture visuelle élaborée par le duo n’est pas aidée non plus par des effets numériques assez peu réussis nous donnant l’impression d’avoir affaire à un jeu vidéo d’une génération révolue plutôt qu’à une production cinématographique d’envergure. Le résultat s’avère d’autant plus gênant étant donnée l’importance qui leur est accordée, coûtant à l’ensemble une bonne partie de sa crédibilité comme de son efficacité. Le tout débouchera ultimement sur des péripéties beaucoup plus risibles qu’excitantes, souffrant autant de mouvements de caméra hyperactifs que d’un montage saccadé dont la défaillance aura pourtant été prouvée plus souvent qu’à son tour depuis que cette approche sera devenue la nouvelle norme du cinéma d’action au début du nouveau millénaire, soit au moment de l’engouement pour tout ce qui touchait de près ou de loin à la vitesse, aux courses et aux poursuites. Faisant part de qualités de production pour le moins désuètes, Lockout se révèle un film de genre qui ne tient malheureusement pas la route dû à un nombre effarant de fautes commises à des fins stylistiques, dont la vacuité aura pourtant été pointé du doigt à maintes reprises au cours des dernières années.

Lockout s’avère assurément l’une des productions les moins inspirées à être sorties de l’esprit du cinéaste français. Nous nous retrouvons en somme devant une création laissant bien paraître quelques idées qui auraient pu s’avérer payantes si elles avaient simplement été exécutées d’une manière un tant soit peu réfléchie. Mais comme c’est encore trop souvent le cas avec ce genre d'histoires, tout le ridicule de la présente production sera exploité d’une manière si rigide et convaincue qu’il deviendra particulièrement difficile par moment de tirer un quelconque plaisir de son visionnement. Il faut dire que l’élément le plus respectable de Lockout demeure la prestation fort distrayante d’un Guy Pearce jouant les John McClane et les Snake Plissken du dimanche avec tout ce que cela implique en termes de méthodes étonnamment effectives et d’attitude et de répliques dévoilant un je-m’en-foutisme totalement assumé, et surtout désiré. Mais nous assistons malgré tout ici à un véritable gaspillage de talent, notamment celui du toujours excellent Peter Stormare, qui nous offre comme à l’habitude une performance habitée, même dans un rôle aussi limité. Le tout tandis que le jeu inerte de la jeune Maggie Grace empêche la création de toute chimie au sein de ce duo typique formé d’un héros malcommode et d’une demoiselle en détresse destinés à terminer dans les bras l’un de l’autre. Le film de Mather et St. Leger demeure ainsi un spectacle n’ayant pratiquement rien pour lui. Un autre triste exemple d’une oeuvre que nous aurions aimé voir atteindre ses modestes objectifs pour les bonnes comme les mauvaises raisons, mais dont la démarche aussi bête que profondément irritante l’empêche au final d’atteindre un quelconque niveau de décence.
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Critique publiée le 12 avril 2012.