WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
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Mighty Ducks, The (1992)
Stephen Herek

Déplacement droite-gauche

Par Jean-François Vandeuren
La première moitié des années 90 aura été marquée par l’apparition d’une quantité non négligeable de comédies sportives destinées à un très jeune auditoire. C’est à croire que les dignes représentants de tout ce qui touche à l’activité physique, s’étant soudainement sentis menacés par la popularité grandissante du jeu vidéo, auront voulu convaincre la nouvelle génération de passer un peu plus de temps à se défouler sur les différents terrains de jeu et moins à végéter devant leur téléviseur. Une initiative qui nous aura certainement donné quelques histoires originales, telle la chronique de l’enfance à saveur rétro que proposait The Sandlot de David M. Evans - dans les traces duquel marcheraient, à leur façon, les Québécois François Bouvier (Histoires d’hiver) et Francis Leclerc (Un été sans point ni coup sûr) près d’une décennie plus tard. Mais force est d’admettre que la plupart des productions ayant vu le jour durant cette période auront essentiellement tourné autour du même récit éculé d’une équipe de jeunes athlètes à qui personne n’aura jamais accordé la moindre chance, mais qui, avec beaucoup de travail et un coup de pouce de quelques adultes bien intentionnés, finiront par voir leurs efforts être récompensés lors d’une victoire décisive contre une formation que tous croyaient pourtant supérieure en tous points. The Mighty Ducks de Stephen Herek (Bill & Ted’s Excellent Adventure) s’inscrit dans cette catégorie, lui qui avait d’autant plus le mandat de mettre la table pour l’arrivée du géant Disney dans la Ligue Nationale de Hockey l’année suivante. Le seul problème, c’est que le hockey ne se prête pas forcément à un tel exercice, surtout lorsque nous considérons le sens et les intentions que tente de donner Steven Brill à son scénario, qui s’avère en soi d’une stupidité déconcertante.

Contrairement à des disciplines comme le baseball, le soccer ou le basketball, le hockey sur glace exige un investissement financier considérable en raison du lot d’équipement que nécessite sa pratique. Un détail venant discréditer d’entrée de jeu la ridicule lutte de classes que nourrissent continuellement les écrits de Brill, car il n’y a en soi aucun parent moindrement responsable, et encore moins une association sportive, qui laisserait des enfants évoluer dans un milieu où le risque de blessure demeure des plus élevés avec à peine de quoi faire face au froid de l’hiver en guise de protection. C’est pourtant dans ces piètres conditions que l’avocat Gordon Bombay (Emilio Estevez) retrouvera l’équipe du district 5 de la ville de Minneapolis, lui qui deviendra leur nouvel entraîneur après avoir écopé de plusieurs heures de travaux communautaires suite à une arrestation pour ivresse au volant. Évidemment, après un départ plutôt laborieux au cours duquel les contrastes entre les deux partis auront été plus que mis en évidence, Gordon retrouvera peu à peu son coeur d’enfant et mettra alors tout en oeuvre pour faire de ses nouveaux Ducks une équipe gagnante, et ainsi redonner un peu de fierté à ces jeunes débordant de potentiel. L’ancienne vedette du niveau pee-wee aura également la chance de rendre la monnaie de sa pièce à l’entraîneur Jack Reilly (Lane Smith) et ses invincibles Hawks. Les méthodes et la mentalité exigeant une victoire à tout prix de ce dernier, comme le manque de support dont aura souffert le jeune Gordon suite à ce fameux tir de punition raté ayant mené à la seule défaite de championnat de la formation en deux décennies, auront mené celui-ci à abandonner une carrière prometteuse en plus d’en faire l’être arrogant qui nous sera présenté en début de parcours.

L’échec du présent exercice découle essentiellement de la faiblesse des écrits de Steven Brill qui, paradoxalement, fait preuve d’une rigueur exemplaire dans la façon on ne peut plus manichéenne dont il érige sa lutte sociale, tandis qu’une nonchalance extrême se fait sentir dans chacune des autres facettes de son scénario. Tout, absolument tout, dans The Mighty Ducks renvoie ainsi à cette idée d’affrontement entre les riches et les pauvres. Nous aurons d’abord droit à un montage présentant successivement Gordon Bombay se dirigeant vers sa première rencontre avec son nouveau club, sirotant un espresso sur la banquette arrière d’une limousine, et notre groupe de jeunes hockeyeurs fouillant littéralement dans un conteneur à déchets. Bombay délaissera par la suite les costumes trois pièces associés à sa profession pour des vêtements beaucoup plus communs au fur et à mesure qu’il progressera en tant qu’individu et acquerra de bonnes valeurs. Les choses ne seront guère plus subtiles lors des affrontements entre des Hawks vêtus d’un uniforme d’un noir perçant, campés par de jeunes premiers à la chevelure châtaine blonde parfaitement coiffée, et des Ducks brillant pour leur part par leur multiculturalisme et la différence de sexes et de gabaries de leur représentants. Il y a ensuite toutes les données plus insignifiantes les unes que les autres que le scénariste tentera de nous faire avaler. Nous passerons par-dessus le fameux « Grand V », qui demeure possiblement le jeu le plus stupide jamais exécuté sur une patinoire, pour retenir cette mention voulant que, de son temps, le jeune Bombay aurait marqué 198 buts en une saison d’à peine 20 parties (!), et le fait que le coach Reilly, que l’on dit pourtant brillant, n’ait étrangement jamais pu se hisser au-delà des rangs pee-wee.

Ce dernier retiendra d’ailleurs l’attention dans le dernier droit lorsqu’il n’hésitera pas à demander à l’un de ses joueurs de blesser un enfant âgé d’à peine dix ans pour assurer son équipe de la victoire. Rendu à ce point, on parle d’un grave problème de nature psychologique. Évidemment, comme la plupart de ses contemporains, The Mighty Ducks se révèle également assez chargé sur le plan de la morale, tournant principalement ici autour de l’importance de l’esprit d’équipe et de cette notion voulant que ce n’est pas tout de gagner et qu’il faut surtout savoir comment gagner. D’autant plus que le film de Stephen Herek ne donnera jamais la chance à ses antagonistes de tirer une quelconque leçon de leurs agissements, comme c’est généralement la coutume dans ce type de récits. Gordon Bombay en aura donc fait du chemin depuis ces débuts où nous aurons pu le voir au volant d’une voiture sport immatriculée « justwin ». De son côté, le réalisateur y sera allé d’une mise en scène respectant les conventions, se prévalant de quelques touches « cartoonesques » pour appuyer les frasques de sa troupe de jeunes acteurs ô combien colorés. Herek fait toutefois part de la même confusion que son scénariste quant à la façon d’aborder ce sport figurant pourtant au centre de son film, lui qui orchestrera certaines des séquences de jeu les plus confuses que le genre nous ait données au cours de sa modeste histoire. Au final, The Mighty Ducks demeure une production aussi lourde qu’irritante sur le plan des intentions qui ne tient malheureusement pas la route à aucun niveau. C’est à se demander si Disney savait réellement dans quoi elle s’embarquait avec sa nouvelle franchise - autant sportive que cinématographique.
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Critique publiée le 20 février 2012.