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Sherlock Holmes: A Game of Shadows (2011)
Guy Ritchie

Instinctif

Par Maxime Monast
Si j’avais à parier à savoir quelle serait mon opinion à propos de Sherlock Holmes: A Game of Shadows (eh oui, je commence à écrire une critique avant même d’avoir vu le film), je miserais sur mon désir d’être diverti et mon amour préalable pour le personnage de Holmes et ses aventures sous la tutelle de Guy Ritchie. Je m’attends à une suite logique, un deuxième volet qui n’ajoute rien de nouveau. Un film poursuivant la tradition et récupérant les conventions présentes dans tous les films de Ritchie. Donc, si vous me le permettez, je mise…

Quel est le consensus? Je pense avoir gagné et perdu avec la même mise. A Game of Shadows conserve la signature du premier épisode, mais applique également une forte pression (pour le meilleur et pour le pire) sur plusieurs éléments clés.

Toujours aussi dément et excessif, Sherlock Holmes (Robert Downey Jr.) n’aura pas perdu de temps avant de trouver sa prochaine enquête. Convaincu que les activités les plus sinistres et crapuleuses de ce monde soient toutes liées au mystérieux professeur James Moriarty (Jared Harris), le héros fera le nécessaire pour entrainer son ancien partenaire, le sceptique docteur John Watson (Jude Law), dans cette grande aventure, et ce, à l’aube de son mariage. Confronté à des dénouements et des surprises qui se manifesteront comme dans une partie d’échecs, le duo devra faire face ici à son plus dangereux ennemi.

Le premier volet des aventures de Sherlock Holmes signé Guy Ritchie avait certainement donné un nouveau souffle aux histoires si connues de Sir Arthur Conan Doyle. Une nouvelle franchise cinématographique était née! Qu’il soit interprété par Robert Downey Jr. ou, plus récemment, par Benedict Cumberbatch dans la série de la BBC, Holmes n’a pas perdu de sa frivolité, s’étant découvert une prédilection pour le combat qui était moins présente dans l’oeuvre littéraire, et de son approche toujours aussi théâtrale. Ce personnage plus grand que nature est doté d’une intelligence quasi surhumaine, utilisant toujours la déduction comme arme principale. Comme nous avions pu le voir dans le film de 2009, même ces moments de déduction s’avèrent si intenses et violents que nous sommes forcées de nous laisser transporter dans cet univers où l’efficacité d’un détective se mesure par sa vitesse d’exécution. Bref, nous replongeons dans ce monde avec un immense plaisir pour y redécouvrir ces envolées et ces archétypes avec lesquels nous sommes déjà si familiers.

Comme à l’habitude, l’univers cinématographique de Guy Ritchie est fondé ici sur un équilibre entre une démarche visuelle (jadis) originale et le plaisir que son auditoire peut en retirer. Que ce soit dans Snatch. ou dans RocknRolla, le Britannique cherche toujours l’angle ou le ralenti qui risque de plaire le plus : les balles sortant tranquillement des carabines, les tireurs d’élite prenant le temps de respirer, les sauts interminables du haut d’une falaise, etc.. Ces pauses visuelles retiennent le souffle du spectateur et contribue au spectacle. De manière inconsciente, notre regard analyse davantage le chaos visuel et une certaine cohérence triomphe lors de ces moments de tension. C’est cette particularité qui démarque les séquences d’action de Ritchie de celles créées en désordre par Michael Bay ou Christopher Nolan. Soulignons notamment une scène de poursuite dans une forêt allemande qui est exécutée avec brio. Visuellement époustouflante, cette séquence est exemplaire du travail et des conventions du cinéma de Ritchie. Parmi le sifflement des balles et les arbres qui explosent, la trame sonore de Hans Zimmer vient rehausser l’atmosphère. L’ensemble est efficace et d’un plaisir enivrant.

Pour en finir avec mes avoirs de cette mise, nous retrouvons dans A Game of Shadows tout ce qui a fait du premier film un succès, les éléments les plus élémentaires rehaussant certains aspects déjà présents tels le ton comique, le drame et l’action. Dans le cas présent, ce dosage est clairement déséquilibré. L’aventure peut paraître épuisante, car rares sont les moments de répit. De manière générale, la version de Holmes de Ritchie est un peu trop intense et violente : l’image du détective pensif assis dans son fauteuil de cuir est assez rare dans cette représentation. Comme nous l’avons déjà vu, ce sont plutôt les scènes d’action qui utilisent la logique et l’intelligence cartésienne du personnage de Doyle.

Mais l’un des attributs les plus mémorables de ce deuxième épisode s’avère la camaraderie et la symbiose entre les personnages de Law et Downey Jr., deux acteurs ayant trouvé l’équilibre parfait pour créer l’union, ce lien singulier quasi matrimonial, entre Watson et Holmes. Rares sont les moments cinématographies - le duo père-fille O’Neil dans Paper Moon ou l’union forcée de Jack Lemmon et Walter Matthau - où les personnages se conjuguent si bien et forge un duo aussi intéressant. Cette complaisance est certainement l’aspect le plus réussi du film. De plus, les sujets des acteurs de soutien viennent contrebalancer ou carrément défier les manies de nos héros. Que ce soit la bohémienne Sim (Noomi Rapace) ou le diplomate et frère Mycroft Holmes (Stephen Fry), chacun est à sa place. Par contre, la vraie révélation se veut le chef de l’opposition James Moriarty, interprété par Jared Harris. Aussi psychopathe que Sherlock, son attitude est beaucoup plus réservée. Leur collision est des plus intéressantes et Harris en fait une rencontre mémorable.

Qu’en est-il de mon pari? Sherlock Holmes : A Game of Shadows est-il tellement similaire à son prédécesseur que, comme pour les films de Woody Allen, je vais avoir de la difficulté à les distinguer l’un de l’autre? Aucunement. Cette aventure s’inscrit dans une continuité logique sans être une oeuvre sans effort. Nous avons affaire à un film qui répète les mêmes stratagèmes sans paraître paresseux dans son exécution. Il est vrai que Ritchie est beaucoup moins réservé dans sa grammaire, mais cela ne pose aucun problème puisque nous connaissons déjà le monde et les personnages de Doyle. Un film, sous la pression de rester fidèle aux bases de la franchise, qui réussit à rehausser les atteintes de ces spectateurs en proposant beaucoup plus de rires et des scènes d’actions aussi logiques que son personnage principal. Nous n’avons plus besoin d’être présentés, nous avons déjà fait connaissance… Maintenant, place à l’action!
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Critique publiée le 16 décembre 2011.